Ce moment d’écoute et d’échange, auquel ont participé Laurent Saint-Martin, Directeur général de Business France, Thomas Courbe, Directeur général des entreprises, Philippe Bouyoux, Président du Comité économique des produits de santé, Lise Alter, Directrice générale de l’Agence de l’innovation en santé, Franck Von Lennep, Directeur de la sécurité sociale, Christelle Ratignier-Carbonneil, Directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Dominique Le Guludec, Présidente de la Haute Autorité de santé, Fabienne Bartoli, Directrice générale de la Haute Autorité de santé et Didier Samuel, Président directeur général de l’INSERM, a permis de rappeler que les industries de santé sont un maillon essentiel de notre système de santé, et développent des solutions innovantes pour le bénéfice de tous les patients. La France s’est ainsi engagée pour faire de la souveraineté sanitaire et de l’innovation en santé des priorités fortes.
A cet effet, la Première Ministre, Elisabeth Borne, a lancé le 25 janvier dernier une mission interministérielle chargée de faire des propositions au gouvernement sur l’amélioration des mécanismes de régulation et de financement des produits de santé.
Il s’agit d’un enjeu essentiel, à la fois pour renforcer notre compétitivité industrielle, pour assurer la disponibilité des produits de santé essentiels et pour accélérer l’accès des patients aux innovations. La politique de régulation et de financement des produits de santé est, en effet, au croisement de préoccupations d’accès aux soins (permettre aux patients de bénéficier des meilleurs traitements, notamment innovants, de même que des produits plus matures mais essentiels dans le quotidien des Français), de préoccupations industrielles (permettre de soutenir l’innovation, notamment des entreprises françaises, de préserver notre tissu industriel en produits matures critiques et de garantir l’attractivité du marché français) mais aussi de préoccupations financières, la soutenabilité de notre système de protection sociale étant un enjeu crucial pour l’avenir. Dans un contexte de progression très dynamique des dépenses, portée notamment par le vieillissement de la population et les progrès thérapeutiques, l’efficacité de la régulation constitue un enjeu crucial.
L’environnement géopolitique instable, les niveaux actuels d’inflation et la nécessité de se prémunir contre des tensions d’approvisionnement nécessitent de réinterroger la pertinence et l’acceptabilité des outils existants. En outre, les préoccupations de relocalisation de la production des produits les plus critiques doivent être mieux prises en compte, ainsi que plus globalement les questions d’attractivité du marché français, dans un moment où les acteurs industriels expriment leurs craintes face à un risque de délocalisation progressive ou d’arrêt de certaines productions.
Les Ministres ont par ailleurs rappelé que conformément aux engagements de la Première ministre, un rendez-vous sera organisé cet automne pour évaluer l'impact des mesures mises en place en 2023 et envisager l’opportunité d’un ajustement dans le cadre de la partie rectificative du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.
Concernant la lutte contre les pénuries, la mobilisation du gouvernement est totale pour préserver l’accès des Français aux médicaments essentiels sur l’ensemble du territoire.
Un comité de pilotage réuni le 2 février dernier autour du ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun et le ministre en charge de l’Industrie, Roland Lescure, a permis de poser les premiers jalons d’une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des approvisionnements. Une nouvelle feuille de route doit être finalisée d’ici juin 2023.
Les ministres ont également pu expliciter l’application de l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, aussi appelé « critère industriel ».
Il s’agit d’un outil important face à la fragilisation des circuits d’approvisionnement. Les produits éligibles sont ceux dont il est nécessaire de sécuriser l’approvisionnement, soit en raison de leur caractère innovant, soit de l’existence de ruptures – ou de risques de ruptures – d’approvisionnement des comparateurs dans la même classe thérapeutique. Les garanties apportées par l’exploitant pour sécuriser cet approvisionnement, notamment en matière d’implantation industrielle, seront évaluées. L’avantage octroyé aux produits éligibles consistera en une majoration de leur prix net.
Toutes ces actions visant à encourager les projets industriels et d’innovation des entreprises françaises et étrangères sur le territoire français et à accélérer l’accès des patients aux innovations et produits de santé essentiels, ont été au cœur des échanges de cette matinée auxquels ont participé plus de 90 entreprises leaders dans les secteurs du médicament, du dispositif médical et du diagnostic.
La réindustrialisation, la souveraineté sanitaire, la décarbonation, l’accès au marché, la régulation économique, l’innovation, la recherche translationnelle, l’attractivité et le soutien à l’export, ont tous fait l’objet de discussions entre les ministres et les entreprises participantes. Tous ont à cœur de faire de la France la 1ère nation européenne, innovante et souveraine en santé.
Cet évènement a enfin été l’occasion de faire un point d’étape sur le déploiement opérationnel du volet santé de France 2030 « Innovation Santé 2030 ».
Annoncé par le Président de la République le 29 juin puis le 12 octobre 2021, « Innovation Santé 2030 » prévoit un ensemble de mesures législatives et règlementaires ainsi que 7,5 milliards d’euros pour faire de la France la nation la plus innovante et souveraine en santé d’Europe. Il est le résultat d’une large consultation menée dans le cadre du Conseil stratégique des industriels de santé (CSIS). L’objectif est d’accompagner les transformations de notre système de santé, au bénéfice de tous les Français, en produisant les traitements innovants tout en assurant la sécurité d’approvisionnement des produits essentiels.
« Innovation Santé 2030 » vise à « mieux vivre », en prévenant les maladies ou la perte d’autonomie, en soignant mieux et en combattant les maladies infectieuses émergentes, à « mieux produire » sur notre territoire les médicaments et dispositifs médicaux dont notre pays a besoin, et à « mieux comprendre » le vivant et les maladies, afin de mieux partager la connaissance des sciences de la vie. Il se concrétisera par des actions pour soutenir l’excellence et faire de la France un leader en matière de produits de santé très innovants, renforcer l’attractivité de la France, accélérer les (re)localisations, favoriser l’accès au marché et créer des coopérations solides, productives et pérennes.
Il comprend plusieurs axes stratégiques :
- Soutenir l’excellence de notre recherche biomédicale, au travers notamment de la création de bioclusters de dimension mondiale, de nouveaux instituts de recherche hospitalo-universitaires. Plus d’1,2 milliard d’euros sont consacrés à la recherche biomédicale, avec pour objectif de :
- Faire émerger des bioclusters (regroupement de laboratoires, de centres de recherche, de centres de soins et d’entreprises travaillant dans le domaine de la santé) de dimension mondiale : l’appel à manifestation d’intérêt sélectif « Biocluster », doté de 300 M€, a déjà sélectionné un premier lauréat : le PSCC (Paris Saclay Cancer Cluster).
- Soutenir les projets de recherche avec un fort potentiel de transfert rapide vers l'industrie ou vers la société : les projets de Recherche Hospitalo-Universitaire en santé (RHU). Les projets seront sélectionnés au printemps 2023 (160 M€).
- Développer des centres d’excellence hospitalo-universitaires (IHU). L’appel à projets, doté de 300 M€, s’est clos le 7 novembre dernier. La sélection des IHU est en cours.
- Renforcer notre recherche en santé à travers le financement de l’infrastructure F-Crin, de Biobanques ou de nouvelles cohortes pour suivre sur le temps long l’évolution des malades et découvrir de nouvelles pistes de traitements (200 M€)
- Financer le renouvellement de nos infrastructures de recherche en santé (100 M€), et attirer ou maintenir sur le territoire les jeunes chercheurs du meilleur niveau international (80 M€).
- Financer des programmes de recherche pilotés principalement par l’INSERM notamment sur la santé mentale, la santé des femmes et des couples, les biothérapies (avec le CEA), la santé numérique (avec INRIA) pour tirer profit des données de santé et construire les briques technologiques nécessaires à l’évolution du système de prévention et de soins et les maladies infectieuses émergentes pour devenir leader en Europe et anticiper les crises sanitaires.
- Investir dans les 3 domaines de demain pour produire des biothérapies, aller plus loin en termes de santé numérique et lutter contre les MIE et les menaces NRBC
A ce jour :
- Dans le cadre de la stratégie portant sur les maladies infectieuses et émergentes et les menaces NRBC (750 M€), 15 projets ont été déployés suite l’AMI lancé en 2021, une liste de pathogènes prioritaires évolutive permet désormais de guider les dépôts des AAP. 4 projets d’industrialisation ont été soutenus, deux projets ont été retenus pour renforcer les formations dans le domaine des MIE, et deux programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) ont été lancés. En outre, la stratégie va rapidement permettre de soutenir des plateformes de démonstration et de validation de contre-mesures MIE (dossiers en cours d’évaluation).
- Dans le cadre de la stratégie santé numérique (650 M€), soixante lauréats sont d’ores et déjà financés pour développer des innovations numériques fiables, démonter leur valeur clinique et médico économique et encourager leur expérimentation dans le cadre de tiers lieux. Un appel à projet vient également d’être lancé pour renforcer la filière de l’imagerie médicale et une formation initiale au numérique en santé a été rendue obligatoire dès la rentrée universitaire 2024 pour douze professions médicales et paramédicales.
- La stratégie « biothérapies et bioproductions » (800 M€), a permis, quant à elle, de soutenir plus de 30 projets d’innovation (biotechnologies et bioprocédés) portés par des biotechs, deux projets d’industrialisation et trois projets de formations (notamment ingénieurs avec double compétence). En outre, France Biolead a été lancé va permettre de fédérer l’ensemble des acteurs de la bioproduction en France et contribuer, en lien avec l’AIS à renforcer la structuration de la filière.
- Accélérer la croissance des startups et les innovations de ruptures, via un renforcement de l’investissement de Bpifrance en santé
- Soutenir l’investissement industriel, au niveau national et au travers d’une coordination européenne renforcée par un Projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) (projets en cours d’instruction par la Commission européenne)
- Devenir le leader européen des essais cliniques, par des simplifications réglementaires, un accompagnement de la structuration des organisations et un soutien financier
- Créer les dispositifs médicaux numériques et innovants de demain, et déployer ceux qui existent déjà. A date, le plan « dispositifs médicaux » a permis de soutenir 11 projets d’industrialisation pour faire émerger les dispositifs médicaux et de diagnostic in vitro de demain. Il a également permis de soutenir près de 90 entreprises dans leurs démarches d’accès au marché avec la mise en place, en septembre dernier, d’un guichet « Diagnostic règlementaire » pour faciliter l’obtention du marquage CE des produits. Un appel à projet a également été lancé pour faciliter la démonstration de la valeur des dispositifs médicaux à usage collectif.
- Créer une structure d’impulsion et de pilotage stratégique de l’innovation en santé: l’agence d’innovation en santé (AIS). L’AIS, rattachée au secrétariat général pour l’investissement, sous l’autorité de la Première ministre, a été lancée en novembre 2022, pour renforcer et dynamiser notre filière santé et faciliter l’accès des patients aux innovations. Elle est notamment chargée :
- de piloter, en lien avec les ministères et opérateurs concernés, la mise en œuvre du volet santé France 2030.
- de coordonner les travaux sur la prospective en santé pour caractériser les besoins à venir du système de santé et anticipera leurs impacts sur le système de prévention et de soin
- d’accompagner de façon personnalisée des projets innovants, stratégiques pour la France
- de proposer des mesures de simplification et d’accélération des process réglementaires existants
Dans ce cadre, et dans la continuité des travaux déjà menés sous l’impulsion du CSIS, l’AIS va mener des travaux prioritaires pour accélérer la recherche clinique et favoriser le développement des innovations. Dès le mois de mars, un groupe de travail, co-piloté avec F-CRIN, va ainsi être lancé pour engager des travaux sur les nouvelles méthodologies d’essais cliniques. Deux types d’évolutions seront visées : celles impactant la conception et le design des études cliniques et (2) celles intervenant dans leur mode opératoire (digitalisation et décentralisation des essais cliniques pour accélérer l’inclusion des patients). L’objectif sera d’identifier les cas d’usage prioritaires. Le groupe de travail, capitalisant sur ces analyses, et également sur les travaux antérieurs réalisés dont ceux de la HAS, aura vocation à faire le lien avec les travaux engagés au plan européen (EMA) et internationaux pour une bonne coordination.