Les Etats-Unis sont le 4ème producteur de vin au monde, et la Californie est garante de plus de 83% de la production américaine. Bien que performante, l’industrie est aujourd’hui confrontée à des problématiques croissantes qui mettent en question l’avenir de la viticulture californienne, telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais qui créent des opportunités pour le savoir-faire français.

Ces défis poussent les viticulteurs locaux à repenser en profondeur leurs méthodes de production grâce notamment aux nouvelles solutions et technologies, vecteurs d’opportunités pour le secteur des agroéquipements français. 

  1. Chiffres clés du secteur
  2. Etats des lieux de l’industrie
    1. Pandémie, surproduction et croissance de la consommation en berne
    2. Un contexte environnemental omniprésent
    3. The Gloden State : la locomotive mondiale de la viticulture durable
    4. Une main d’œuvre agricole de plus en plus rare et coûteuse
    5. La popularité des vins issus des pratiques durables
  3. Perspectives et opportunités

1. Chiffres clés du secteur

Les vins américains et notamment californiens proviennent d’une longue tradition d’entreprises familiales qui remontent à la fin des années 1700. Le caractère unique et la qualité de ces vins ont été perfectionnés non seulement par les connaissances, le dévouement et le souci du détail des producteurs et des vignerons, mais aussi par le soleil, le sol, l’eau et le climat.

Aujourd’hui le pays est le 4ème producteur de vin au monde (12% de la production mondiale) après l’Italie, l’Espagne et la France, avec plus de 406 000 hectares consacrés au vin. Bien que les 50 états soient producteurs de vin, la Californie est responsable de plus de 83% de la production américaine avec des régions mythiques comme la Napa Valley ou encore la Sonoma Valley qui compte à elles deux 91% des grands crus nationaux. L’état compte à lui seul plus de 4 500 vignobles (sur les 10 428 que compte le pays) produisant un peu plus de 242 millions de caisses en 2020.

A noter que les États-Unis sont aussi le premier consommateur de vins tranquilles de la planète. Le chardonnay est le cépage phare (48 000 ha) suivi par le Cabernet Sauvignon (37 000 ha), le Pinot noir (28 000 ha), le Merlot (24 000 ha), le Zinfandel (20 000 ha) et le Syrah (9 500 ha).

Pour en savoir +, consultez notre fiche gratuite : Solutions pour la vitiviniculture aux États-Unis

2. Etats des lieux de l’industrie

Pandémie, surproduction et croissance de la consommation en berne

Depuis plusieurs années, l’industrie américaine doit composer avec une offre excédentaire de raisins par rapport à la demande, ce qui entraine mécaniquement le prix à la baisse.

 C’est un fait marquant qui se traduit par du raisin non cueillis et abandonné sur la vigne. La plupart des experts s’accordent à dire que l’industrie californienne sera en équilibre lorsque la superficie  viticole de l’État s’élèvera à environ 550 000 hectares. En 2020, plus de 578 000 ha ont été consacrés à la vigne. L’an dernier, plus de 15 000 ha ont été arrachés pour tenter de remédier à cet excès de production. Et cette tendance à la réduction des surfaces de production devrait se poursuivre dans les prochaines années en Californie. 

Cette surproduction s’accompagne malheureusement aussi d'une consommation domestique de vin stagnante— et ce, depuis plusieurs années — ce qui rendle problème de surproduction épineux et central que seules les exportations peuvent résoudre notamment avec des pays comme la Chine et ses 1,4milliard d’habitants qui est une zone de croissance importante.

En 2020, la croissance des ventes domestiques a été proche de zéro pour la première fois depuis 1993 et négative au cours des deux premiers mois de l’année. À compter de mars 2020, les restrictions liées à la COVID-19 ont entraîné l’une des baisses d’emploi les plus rapides de l’histoire des États-Unis. Bien que toutes les perturbations économiques entraînent des répercussions disproportionnées, cette récession a particulièrement nui aux industries de services qui exigent la proximité des employés et des clients, y compris toutes les entreprises de loisirs, d’accueil et de tourisme et, bien sûr, les petites entreprises vinicoles familiales.

Cette pandémie a déclenché une restructuration du secteur avec la disparition de nombreux petits établissements vitivinicoles au profil de plus grands domaines qui ont réussi à survire à une partie de la crise en adaptant leur modèle économique et en repriorisant les canaux de distribution.

Un contexte environnemental omniprésent

L’Académie nationale des sciences suggère que le réchauffement climatique entraînera un « énorme bouleversement de la répartition géographique de la production de vin au cours des 50 prochaines années. De nombreuses régions viticoles de qualité pourraient voir augmenter leur production et d’autres régions pourront élargir leur sélection de raisins. Certaines zones cesseraient complètement leur production. Par exemple, d’ici 2100, il est possible que les États-Unis perdent jusqu’à 81% des cultures de raisin de première qualité.

Alors que les effets du changement climatique se font sentir en Californie et dans le monde entier, les vignerons californiens s’inquiètent de ce que l’avenir leur réserve. Ils se demandent si certaines régions viticoles deviennent trop chaudes pour cultiver correctement des raisins emblématiques comme le Cabernet Sauvignon et le Chardonnay.  Ils s’inquiètent des sécheresses prolongées qui diminuent le rendement des récoltes et mènent à des conditions sèches qui ouvrent la voie à des incendies de forêt massifs.  

Ces incendies peuvent non seulement détruire de précieux vignobles, mais aussi endommager les fruits par une exposition prolongée à la fumée. Si les raisins sont exposés à la fumée, surtout pendant de longues périodes, ils peuvent donner des saveurs indésirables qui se retrouvent dans le vin fini. « Pouvez-vous vous imaginer lécher un cendrier ? », indique M. Oberholster spécialiste en œnologie à l’UC Davis, « Lorsque les raisins restent de façon prolongée dans un environnement enfumé, ils peuvent avoir un goût semblable. » 

L’impact de la fumée n’est pas simple à anticiper. Il est difficile pour ne pas dire impossible de prédire quels raisins peuvent avoir subi des dommages basés seulement sur ses 5 sens, comme la vue, l’odeur ou même la saveur de raisins frais. Également, ce n’est pas parce qu’il y a de la fumée dans l’air que le raisin est contaminé. Seule une analyse chimique peut aider à prédire la probabilité de contamination par la fumée. 

À l’automne 2021, alors que le raisin non récolté pesait lourdement sur la vigne dans le nord de la Californie, les laboratoires ont été submergés par les demandes pendant plusieurs semaines pour tester la possibilité d’une contamination par la fumée. Les producteurs locaux se sont retrouvés dans une position difficile parce que les acheteurs annulaient les contrats à moins que ceux-ci ne puissent prouver que leurs raisins n’avaient pas subi de dommages liés à la fumée et malheureusement la demande en analyse a largement dépassé la capacité des laboratoires locaux entrainant de nombreuses pertes pour les viticulteurs californiens.

 

 

The Gloden State : la locomotive mondiale de la viticulture durable

En réaction aux défis environnementaux auxquels la Californie est confrontée depuis déjà des décennies, l’industrie vitivinicole californienne a su prendre les devants pour repenser son modèle et la façon de réduire son impact écologique. Aujourd’hui, l’état est le leader mondial de la viticulture durable. En 2021, la superficie californienne des vignobles certifiés durables est de 50 %.  L’engagement de l’industrie vinicole californienne à l’égard de du développement durable et de l’écologie est démontré par la croissance incroyable des vignobles et des établissements vinicoles auprès de la Certified California Sustainable Winegrowing au cours de la dernière décennie.

Commémorant le 10e anniversaire du programme, la CSWA (California Sustainable Winegrowing Alliance) a publié le rapport de certification 2020, la 4e publication annuelle, qui illustre le leadership mondial de la Californie en matière de viticulture durable avec une superficie viticole certifiée durable largement en tête de ses concurrents européens ou sud-américains. 

En décembre 2021, 171 établissements vinicoles californiens produisant 80 % de la production totale de vin de la Californie (255 millions de caisses) et 2 247 vignobles cultivant 32 % de la superficie viticole de la Californie (204 122 ha) étaient certifiés California Sustainable Winegrowing. La superficie totale des vignobles certifiés à l’échelle de l’État est même de 50 % si les 18 % supplémentaires de la superficie des vignobles de la Californie certifiés via d’autres programmes pour l’agriculture durable de l’État.

Le programme du CSWA a été mis à jour en 2017 pour permettre l’utilisation d’un nouveau logo. Aujourd’hui, ce logo se retrouvent sur les étiquettes de plus de 76 millions de bouteilles (6,2 millions de caisses), garantissant que le vin a été fabriqué dans une cave certifiée California Sustainable avec au moins 85 % de raisins provenant de vignobles certifiés. 

Le California Code of Sustainable Winegrowing Workbook (the Code) est l’ouvrage central autour duquel les programmes d’éducation et de certification du CSWA sont construits. Il couvre un large éventail de pratiques durables utilisées dans les exploitations viticoles et vinicoles. Dans ses 15 chapitres, le Code aborde les meilleures pratiques de la vigne à la bouteille: stratégie d’entreprise durable, viticulture, gestion du sol, gestion de l’eau, lutte antiparasitaire, qualité du vin, gestion des écosystèmes, efficacité énergétique, conservation et qualité de l’eau du vignoble, la manutention des matériaux, la réduction et la gestion des déchets solides, les achats durables, les ressources humaines, le voisinage et la collectivité, la qualité de l’air et la protection du climat. 

 

Une main d’œuvre agricole de plus en plus rare et coûteuse

La crise du Covid-19 a mis en exergue un problème déjà bien réel depuis des années pour le monde agricole américain : une main d’œuvre de plus en plus rare et couteuse. Le monde agricole avait déjà subi de plein fouet les restrictions mises en place par l’administration Trump sur l’entrée de travailleurs agricoles étrangers en provenance d'Amérique Centrale et Sud-américaine. L’éloignement des centres urbains, la pénibilité du travail, la chaleur et les salaires faibles sont des facteurs qui viennent aggraver cette difficulté à recruter du personnel agricole.

La Covid-19 est venue accentuer cette tendance avec la mise en place d’un véto à l’entrée sur le territoire américain, le décret d’un confinement strict et aussi surtout via les aides fédérales et locales qui sont venues soulager les travailleurs agricoles jusqu’à leur offrir des sommes cumulées supérieures à leur salaire pré-covid, freinant, bien évidement, le retour au travail.

Cela est d’autant plus vrai pour les cultures à forte valeur ajoutée comme la vigne. Les viticulteurs américains et notamment californiens font face à des coûts de main-d’œuvre croissants et à de graves pénuries de main-d’œuvre qualifiée, ce qui rend difficile la gestion et la récolte d’un vignoble tout en maintenant la rentabilité. En effet, les dernières règlementations californiennes ont fait passer le salaire minimum de $16/h à $20/h. En parallèle de cela, un nouveau décret a également basculé la semaine légale travaillée pour les ouvriers agricoles de 60h/semaine à 45h/semaine, toute heure au-delà est considérée supplémentaire et payée double.

Un signal alarmant est apparu pour la première fois l’automne dernier, lorsque les viticulteurs de la Central Valley n’ont pas trouvé assez de travailleurs pour élaguer les vignes. Un mois après la fin des vendanges, certains rangs n’avaient pas été récoltés par manque de main d’œuvre ou car il n’était pas profitable pour le vigneron de le faire.

Une étude récente de l’UC Davis a mis en relief une chute de plus de 40% de la disponibilité en main d’œuvre agricole depuis la dernière décennie en Californie.  

Aujourd’hui, le monde agricole californien dans son ensemble classe les pénuries de main-d’œuvre comme le plus grand défi de l’industrie, avant la sécheresse.

 

 

La popularité des vins issus des pratiques durables

Au milieu des années 2000, rares étaient les clients qui achetaient des vins « green » ou produits de façon durable. Quelques amateurs de vin curieux recherchaient des producteurs biologiques et biodynamiques, scannant les étiquettes à la recherche d’informations ou d’un logo de certification, mais il y avait souvent peu d’indications qu’un vin était produit de manière durable.

Un peu plus de deux décennies se sont écoulées et aujourd’hui la viticulture durable est un réel enjeu dans l’industrie vinicole et elle devient de plus en plus importante pour les consommateurs, en particulier pour la nouvelle génération.

En effet, les amateurs de vin américains sont de plus en plus éco-avertis et demandeurs de vins durables. Il est devenu plus important que jamais pour les établissements vinicoles d’être en mesure de communiquer sur leur engagement environnemental. La viticulture durable peut couvrir une large variété de pratiques environnementales et sociales.

De nombreux établissements vinicoles aux États-Unis ont adopté des techniques agricoles durables et adaptent leurs caves pour les rendre plus écologiques. Certains ont installé des panneaux solaires pour devenir auto-suffisant, tandis que d’autres cultivent à sec leurs vignobles et utilisent des cultures de couverture pour conserver l’eau et préserver la santé des sols. A noter que la viticulture durable englobe également des pratiques économiquement viables et socialement responsables.

Néanmoins, malgré les nombreux efforts misent en place par les producteurs pour s’orienter vers une viticulture plus durable, la bouteille de vin révèle peu souvent, et avec un marketing peu adapté au jeune consommateur, toute la démarche écologique engagée. Aujourd’hui, il est bien souvent difficile pour l’amateur de vin de déterminer si un vin est durable ou non en se basant seulement sur l’étiquetage sans compter les différences dans la terminologie et le programmes de certification qui apportent de la confusion (vin durable, vin biodynamique, vin biologique…).

Un important travail a été mené ces dernières années par les différents organismes pour cadrer et unifier les certifications locales et tenter d’aiguiller au mieux le consommateur lambda dans son choix, avec la mise en place d’un étiquetage de plus en plus détaillé et informatif avec la présence de logo/médaillon pour mettre en avant les pratiques agricoles respectueuses. Bien que de nombreuses choses restent à faire afin de « marketer » au mieux cette viticulture durable, l’avenir de cette nouvelle pratique et des vins qui en découlent s’annonce radieux auprès de cette nouvelle génération de consommateurs.

 

3. Perspectives et opportunités

 

Ayant le terroir comme ADN, l’industrie vitivinicole est souvent associée à tort à une image ancestrale, ancrée dans la tradition. Aujourd’hui celle-ci est confrontée à des challenges grandissants qui pousse celle-ci à se réinventer et à innover. Innovation qui devra répondre à la fois aux défis climatiques et environnementales, à l’évolution du consommateur et de ses priorités et l’adoption à grande échelle du changement technologique. Il est à parier, quoi qu’il en soit, que d’ici une dizaine d’années, le visage de l’industrie vitivinicole mondiale et notamment californienne sera probablement bien différent de celui d’aujourd’hui. 

Des initiatives locales sont mises en place pour stimuler l’innovation et la recherche de solution comme cet accélérateur crée l’été dernier par la Sonoma County Winegrowers Organisation. Ce projet est le premier du genre aux États-Unis pour l’industrie vinicole et il a pour but d’encourager la collaborer et de contribuer à l’élaboration et à la création de solutions de résilience à court et à long terme pour les vignobles californien. Des sujets comme la robotique agricole, le « smart packaging », la viticulture de précision, l’intelligence artificielle, la technologie de block chain seront entendus et mis à l’épreuve du monde vitivinicole.

Connu sous le nom de Sonoma VITS (Vineyard Innovation Through Science), cet effort s’appuie sur la réputation des viticulteurs du comte de Sonoma, région qui est leader mondial du développement durable et éco-responsable.  Sonoma VITS servira de pont entre les communautés scientifiques, technologiques et d’innovation et les viticulteurs locaux pour encourager et développer les meilleures idées qui profiteront aux vignobles, aux établissements vinicoles et aux résidents de la région pour les années à venir. La première « pitch day » aura lieu durant l’été 2022. 

C’est dans ce contexte porteur que Business France a souhaité mettre en place cette mission thématique au sein de l’industrie vitivinicole américaine courant mai 2022. Ce programme intensif nommé Future Wine Tech 2022, est structuré autour de formations, tables rondes et rencontres professionnelles en Californie.

Il est destiné aux entreprises françaises innovantes de la Wine Tech et de la vitiviniculture qui sont désireuses de développer ou renforcer leur présence aux États-Unis. Durant cette semaine immersive du 16 mai au 20 mai 2022, les équipes business France Amérique du nord encadreront et prépareront les 8 lauréats sélectionnés pour les aider à atteindre leur objectif :

 

  1. Comprendre et appréhender le marché vitivinicole et les opportunités locales.
  2. Construire une stratégie pour aborder le marché nord-américain
  3. Rencontrer l'écosystème d'innovation dans le secteur vitivinicole nord-américain
  4. Elaborer un réseau de contacts et partenaires locaux.

Pour en savoir plus sur l’édition 2022 du Future Wine Tech, nous vous invitons à vous rendre sur le site internet de l’opération ICI. 

  

Article écrit par Damien CHABAUD-ARNAULT et Bastien ADOLPHE 

Bureau Business France Amérique du Nord

 

Sources