En 2020, en pleine crise du COVID, les habitants de Bangkok se sont pris d’intérêt pour un réseau social un peu particulier leur permettant de surveiller leur poids : Fatster. Le principe : des conseils nutritionnels, un soutien de la communauté et un partage des « achievements » une fois le poids perdu… Ce concept simple, ce sont deux français implantés en Thaïlande qui l’ont créé, Fabien Keller et Emmanuel Fauvel, avec le soutien de la Région Bretagne et des banques Bpifrance et Banque Populaire Grand Ouest ; et aujourd’hui, leur appli Fatster – devenue entretemps Nutrimis – revendique 200 000 abonnés, la plupart en France et en Asie. La start-up a créé de nombreuses connections avec les groupes hospitaliers thaïlandais (dont BDMS) et l’incubateur taïwanais AppWorks et envisagerait de s’aventurer à Singapour, où le surpoids toucherait 30% de la population.

 

  1. De la E-santé à la Health Tech, l'ASEAN Océanie en plein décollage
  2. Une filière française particulièrement active à l'international
  3. Des besoins en hypercroissance sur la patientèle
  4. Accéder aux marchés : partenaire et ciblage pays
  5. Mettre l'ASEAN Océanie « dans le radar »

 

 

DE LA E-SANTÉ À LA HEALTH TECH, L’ASEAN OCÉANIE EN PLEIN DÉCOLLAGE

Ce type de dispositif e-santé est un exemple parmi bien d’autres de la vitalité de l’écosystème e-santé dans les pays de l’ASEAN (essentiellement Thaïlande, Indonésie, Vietnam, Malaisie, Singapour, Philippines) et de la zone Océanie (essentiellement Australie).

Avec une couverture 4G importante et des investissements en cours dans la 5G, la zone revendique en effet une croissance de 20% sur le sujet en 2020, accélérée par la crise COVID (+ 500% d’utilisation des services de télémédecine à Singapour et en Malaisie).

« Mais au-delà de la e-santé, c’est tout le secteur de la Health Tech qui entre aujourd’hui dans une phase de décollage en ASEAN Océanie, témoigne Estelle David, directrice pays Thaïlande et coordinatrice santé ASEAN Océanie pour Business France. Les opportunités se concentrent beaucoup sur Singapour, l’Australie et la Thaïlande mais il y a aussi des frémissements du côté du géant indonésien qui méritent que l’écosystème français s’intéresse à la zone ».

 

UNE FILIÈRE FRANÇAISE PARTICULIÈREMENT ACTIVE À L’INTERNATIONAL

« Health Tech ». Comprendre : l’ensemble des entreprises de la santé qui fondent leur R&D sur les technologies numériques en développant de nouveaux produits et services en lien avec celles-ci. La France ne recenserait pas moins 2 200 entreprises dans le secteur, essentiellement des startups, avec une fragmentation en trois sous-secteurs : 52% pour la MedTech (soit le développement de produits et dispositifs médicaux avancés), 38% pour la Biotech (soit le développement de nouveaux traitements et diagnostics biologiques) et 10% pour la E­Santé (soit l’ensemble des outils de transformation digitale du secteur).

« La France joue un rôle particulièrement actif sur le terrain international, avec une start­up sur cinq qui possèderait une filiale à l’étranger (et même une sur deux lorsque la société a plus de dix ans). Derrière les Etats-Unis, incontestable leader du secteur, elle joue aux avant-postes avec l’Allemagne pour exporter ses solutions Health Tech », confirme Estelle David. Une réalité qui se confirme dans les chiffres : +50% des entreprises de la Health Tech cotées sur Euronext sont tricolores

L’Etat français a d’ailleurs bien saisi le potentiel de ce secteur innovant et investit massivement dans son développement : si le volet Santé du plan de relance regroupait 7,5 milliards d’euros, 400 millions étaient fléchés sur les « dispositifs médicaux de demain » et les opérateurs publics s’alignent sur ces objectifs. En 2021, la banque Bpifrance a ainsi mobilisé 1,2 milliards d’euros pour accompagner la filière au titre des Investissements d’Avenir – soit quatre fois plus que la somme mobilisée en 2020.

Au-delà du secteur public, le privé s’organise également : les levées de fonds ont ainsi représenté 2,3 milliards d’euros en 2021, soit 50% de plus qu’en 2020, avec le palier historique de 100 millions d’euros franchi pour deux d’entre elles : DNS Script et Dental Monitoring.

« L’engouement pour la Health Tech dépasse les frontières françaises, avec des investissements massifs également chez nos voisins européens. Mais la France a une vraie longueur d’avance sur certains segments comme les thérapies cellulaires (notamment pour les traitements en oncologie), la recherche sur les maladies auto-immunes ou les maladies rares », signale Estelle David.

 

DES BESOINS EN HYPERCROISSANCE SUR LA PATIENTÈLE

Sur sa zone ASEAN Océanie, ces compétences sont de plus en plus attendues par une population qui ne cesse de croître : 690 millions d’habitants au total, dont une classe moyenne – couverte à plus de 90% par une assurance maladie publique ou privée – qui devrait passer de 172 millions en 2010 à 454 millions de personnes en 2030. Dans ce réservoir de consommation, les personnes âgées de plus de 60 ans devraient représenter près de 25% de la population dans les centres urbains de Thaïlande, d’Australie et de Singapour, et les maladies chroniques comme le diabète, véritable fléau dans la zone, devraient engendrer de nouveaux besoins. « Sur le secteur des dispositifs médicaux, 90% des matériels sont importés, rappelle Estelle David. Ce qui signifie qu’il y a de la place pour les acteurs français de la Health Tech, pourvu qu’ils sachent se placer dans les réseaux de sourcing des donneurs d’ordre locaux ».

 

ACCÉDER AUX MARCHÉS : PARTENAIRE ET CIBLAGE PAYS

Car, en la matière, les Etats-Unis continuent de jouer les premiers rôles, avec un soft power exercé au travers des universités américaines qui forment la plupart des médecins de la zone – l’occasion pour ces derniers de se familiariser avec les matériels et technologies locales. « Pour contrer cette concurrence, les entreprises françaises peuvent jouer sur la qualité et l’image de leurs produits mais il est indispensable qu’elles travaillent avec un partenaire distributeur pour mettre un pied dans la zone : elles auront rarement la possibilité d’entrer en contact direct avec les grands acteurs hospitaliers que sont BDMS en Thaïlande, Siloam Hospital en Indonésie ou Vinmec au Vietnam », avertit Estelle David. Un appui par le partenaire d’autant plus souhaitable que l’enregistrement des produits se fait souvent dans la langue locale, avec des spécificités réglementaires notables (comme le halal en Indonésie et Malaisie qui appelle des certifications complémentaires). « Cependant, tempère Estelle David, le marché reste rapidement accessible d’un point de vue réglementaire, et l’écosystème se met en place pour accueillir les solutions innovantes ».

Ainsi en est-il à Singapour ou en Australie, où les instituts de recherche accueillent de plus en plus de jeunes pousses au sein des universités. En Australie, le fonds Medical Research Future Fund (MRFF) lancé en 2015 consacre 6,3 milliards de dollars australiens aux biotechs (sur une enveloppe totale de 20 milliards). Et à Singapour, 21% du budget 2016-2020 alloué à la Recherche et à l’Innovation dans le pays est revenu au secteur de la santé et des sciences biomédicales.

« Globalement, sur la zone ASEAN Océanie, il faut distinguer les pays qui proposent des infrastructures de R&D matures susceptibles d’attirer des entreprises à l’implantation (ici : Singapour et l’Australie), et les pays qui proposent plutôt un marché de consommation, comme la Thaïlande ou l’Indonésie », analyse Estelle David.

Avec ses hôpitaux haut de gamme (véritables groupes hôteliers !) et le dynamisme de son tourisme médical, la Thaïlande offre en effet un réservoir de patientèle aisée qui pourrait offrir des opportunités immédiates aux entreprises en prospection – le pays est d’ailleurs, en valeur, le premier marché de la zone pour la MedTech (avec 19 milliards de dollars). « Mais son retard sur les infrastructures de recherche consacre plutôt son dauphin Singapour comme leader dans le domaine avec 13 millions de dollars sur ce marché », analyse Estelle David. L’Australie s’affiche, elle, à la troisième place avec 12 milliards de dollars.

Une polarisation sur ce tiercé de tête (Singapour, Australie, Thaïlande) qui ne doit pas masquer les opportunités potentielles qui pourraient émerger à terme sur les autres pays de la zone. « Des centaines de millions d’euros sont actuellement investis dans le développement hospitalier des pays de l’ASEAN : ces nouveaux établissements vont avoir besoin de s’équiper et les dispositifs technologiques sont regardés de près » confie Estelle David. A titre d’exemple, en Malaisie, le groupe Sunway s’est ainsi lancé dans la construction de six centres hospitaliers d’ici 2024.

 

METTRE L’ASEAN OCÉANIE « DANS LE RADAR »

Une accélération qui pourrait profiter aux start-ups françaises de la Health Tech, encore relativement peu présentes sur la zone. « Il y a encore une méconnaissance du potentiel immense de la région, que ce soit en termes démographiques ou économiques, analyse Estelle David. Les entreprises n’identifient pas encore suffisamment les donneurs d’ordre de la zone et les partenaires sur lesquels elles peuvent s’appuyer : qu’elles n’hésitent pas à nous solliciter ! ».

D’autant que le réseau français « Santé » est plutôt bien installé dans la région, avec la présence des grands laboratoires pharmaceutiques à Singapour (Sanofi, Biomérieux, Pierre Fabre) et des acteurs plus spécialisés comme Biosynex (diagnostic médical) en Thaïlande et Indonésie, ou DTF Medical (allaitement). « Un VIE spécialisé sur la filière Santé est par ailleurs basé à Bangkok pour représenter French Healthcare, le LEEM et les autres fédérations professionnelles de la santé », signale Estelle David.

En septembre 2023, la Medical Fair de Bangkok rassemblera une grande partie des donneurs d’ordre de la zone en matière de dispositifs médicaux. Et, en août 2023, le salon Inapharm de Jakarta devrait donner davantage de visibilité aux entrepreneurs Health Tech auprès des laboratoires pharmaceutiques.

L’occasion pour les entreprises françaises de se faire connaître et de rencontrer les donneurs d’ordre locaux… mais aussi de visiter la zone. « Dans un secteur aussi internationalisé que la Health Tech, mettre l’ASEAN Océanie dans le radar semble désormais indispensable au regard du dynamisme de la zone : c’est une région à ne pas manquer. Tous les pays ont désormais rouvert après le Covid, il est donc temps de venir découvrir la région ! » invite Estelle David.

 

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