Quel paysage du e-commerce alimentaire mondial en 2021 ? Quels acteurs, quels enjeux et surtout… quelles opportunités pour les fournisseurs à l’export ?

 

Un an après le début de la pandémie qui a accéléré l’adoption des outils e-commerce dans l’agro, une série d’études commandées par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et réalisées par Business France se penche sur le phénomène et ses implications business dans trente pays[1]. Florian Servais, chargé d’études pour Business France, revient sur les principaux enseignements.

 

 

Un marché mouvant, en phase de démocratisation

« Le problème avec le e-commerce alimentaire, commence-t-il, c’est que le sujet est encore nouveau pour les entreprises du secteur : beaucoup n’identifient pas forcément comment fonctionne la chaîne de valeur, quelles sont les étapes qui mènent le produit jusqu’au consommateur final et quelles sont les stratégies de prix et de marketing à adopter. Les études visent justement à combler ce manque dans un paysage par nature mouvant ».

Une conjoncture qui évolue en effet très vite : en 2019, le e-commerce alimentaire mondial présentait un taux de croissance de 17% ; un an plus tard, COVID-19 oblige, ce taux a bondi à… 57%[2]. Même si la part de marché du e-commerce alimentaire reste relativement faible par rapport au secteur global (6,5% dans le monde en 2020[3]), cette part de marché grimpe désormais à 11,4% au Royaume-Uni et à 7,8% en France[4].

Au-delà de ces chiffres, c’est la diversification des consommateurs qui intéresse. Si le e­commerce alimentaire était historiquement davantage l’apanage de cibles urbaines et jeunes, il investit désormais tous les segments. Dans une étude d’Euromonitor[5] parue en 2020, 11% des 50-59 ans déclaraient ainsi faire leurs courses en ligne de façon hebdomadaire ; même chose pour les habitants de petits villages, avec un taux de 10%... pas si éloigné de celui des grandes villes (22%). Seul l’argument du prix semble encore freiner l’adoption des segments les plus modestes, mais l’e-commerce alimentaire est tout de même en voie de démocratisation accélérée.

 

Marketplaces, Pure Players... une miriade d'acteurs

Dès lors, comment se déployer sur ce marché tout en conservant une maîtrise de ses produits et de ses marges ? « La première étape est de bien comprendre l’environnement et le business model de ses interlocuteurs, explique Florian Servais. Car ils n’ont pas tous les mêmes enjeux de rentabilité ni le même positionnement ». En effet, l’étude globale distingue trois catégories d’acteurs aux profils très différents :

  1. Les acteurs traditionnels de l’agroalimentaire qui ont ouvert une activité « vente en ligne » (ex : Carrefour, Tesco, etc),
  2. Les pure players du e-commerce alimentaire (ex : Ocado au Royaume-Uni, Picnic aux Pays-Bas, labellevie.com en France)
  3. Les places de marché (ex : Amazon, Rakuten, JD.com)

« Dans certains pays, les places de marché disruptent le secteur de l’agroalimentaire car elles gomment la distinction traditionnelle entre fournisseur et distributeur : il s’agit de mettre en relation un vendeur et un client final en utilisant un trafic déjà généré sur une plateforme », témoigne Florian Servais.

Encore plus innovant : l’apparition d’une quatrième catégorie d’acteurs, les agrégateurs (« third parties ») qui fournissent un service (de livraison essentiellement) aux acteurs traditionnels de l’agroalimentaire. « Instacart est particulièrement instructif sur ce modèle-là : ils proposent de faire les courses à votre place dans les magasins de votre quartier. Ils n’ont donc pas d’entrepôt de stockage… mais une flotte de personal shoppers/livreurs ».

 

Optimisation de livraison ou publicité ? La rentabilité des plateformes

Pourquoi cette segmentation a-t-elle un impact ? « Parce que les coûts logistiques pèsent lourd dans la rentabilité des acteurs, sur un marché agro où la marge par produit reste par nature limitée », analyse Florian Servais. Les géants comme l’américain Walmart ou le chinois TMall ont la possibilité de réaliser des économies d’échelle et se rétribuer sur la publicité, tout en couvrant un large spectre de consommateurs par leurs investissements dans divers pans de l’économie. « Mais pour des pure players comme Ocado ou Picnic, les gains marginaux ne se trouvent pas aux mêmes endroits : Ocado a eu tendance à limiter ses coûts logistiques en investissant dans des usines totalement robotisées et en vendant cette expertise, tandis que Picnic a porté ses efforts sur la logistique du dernier kilomètre – en invitant les utilisateurs à se grouper autour d’une même adresse pour lancer la livraison ».

Connaître ces différents maillons reste donc essentiel pour positionner une offre, sachant que chaque acteur adresse un marché spécifique : les enseignes traditionnelles auront une visée généraliste, fruit de leur longue tradition de proximité avec les fournisseurs et consommateurs, tandis que les pure players cibleront davantage le haut de gamme ou les services (ex : la livraison express) – là où les places de marché auront tendance à viser des besoins plus niche, « d’appoint », difficilement accessibles par le retail traditionnel.

En outre, chaque pays présente un paysage e-commerce qui lui est propre, avec une dynamique d’évolution plus ou moins forte : « En Algérie par exemple, où la grande distribution est peu développée et où aucun acteur n’était positionné sur la vente en ligne alimentaire avant 2020, le confinement a accéléré les choses », raconte Florian Servais. « L'agrégateur de restaurants Jumia a ainsi ouvert sa plateforme aux commerçants de proximité et aux épiceries et leur offre désormais la possibilité d'utiliser ses services logistiques ».

Autre marché spécifique : le marché chinois, où les sites e-commerce s’intègrent dans un écosystème digital incluant les réseaux sociaux. « Il est par exemple possible d’acheter des produits directement depuis des applications de livestreaming ou de messagerie », explique Florian Servais. Une tendance qui fait écho à l’autre marqueur du marché : l’achat groupé communautaire, promu par des plateformes comme Pinduoduo. Avec pour objectif la possibilité pour les consommateurs de bénéficier de tarifs dégressifs s'ils se réunissent à plusieurs pour acheter la même référence/le même produit.

 

Mobilité et O-to-O : deux tendances qui comptent

Connaître ces éléments de marché est donc un vrai plus pour se lancer - d’autant plus pertinent que les tendances innovantes se multiplient : « Sur l’alimentaire, on constate que le mobile prend de plus en plus de place dans l’acte d’achat », analyse Florian Servais. « Mais aussi que les canaux se déclinent maintenant par segments de consommation : on trouve des applis pour des courses d’appoint express (Gorillas, Frichti), des applis anti-gaspi (Glovo) et même des propositions de crowdbutchering[6] ! ».

Les tendances « online to offline » (amener le client en magasin après une expérience digitale) commencent également à poindre dans le monde occidental, après le succès qu’elles rencontrent en Chine avec des plateformes comme HemaFresh ou 7Fresh). « C’est une grande tendance à venir, confirme Florian Servais, car les plateformes sont en recherche de synergies entre online et offline ».

 

Mobiliser l'importateur sur le ciblage plateforme et le marketing

« L’une des clés pour ne pas se perdre dans cet afflux de propositions et d’interlocuteurs, c’est de s’orienter vers un importateur car il est un maillon essentiel pour conseiller sur la diversité des plateformes par pays et leurs enjeux business », signale Florian Servais.

Autre recommandation importante : le déploiement d’une stratégie de visibilité impactante. « Sur Internet, on a vite fait de perdre la connexion avec le consommateur : consacrer un budget marketing à des actions de promotion et de référencement est une clé d’accès importante au marché ». Une stratégie à discuter également avec son importateur…

En conclusion, si le e-commerce alimentaire révolutionne le secteur de la distribution, impossible de ne pas en être. « Mais il est facile de s’y perdre et d’être noyé dans les informations, conclut Florian Servais. Pour cela, il est indispensable d’observer ce qui se fait sur le marché avant de se lancer… Les études par pays et la synthèse globale sont faites précisément pour cela ».

 

Les études sont disponibles ici

 

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[1] Dont onze font l’objet d’études approfondies : Allemagne, Belgique, Chine, Emirats Arabes Unis, Espagne, Etats-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suisse
[2] Selon les statistiques d’Euromonitor
[3] D’après « Winning Omnichannel 2021 » - Kantar 2020
[4] Sources: études Business France
[5] « The Global State of Online Grocery in 2020 » par Euromonitor International, juin 2020
[6] Achat collectif d’un animal d’élevage pour optimiser la ration de viande par personne et limiter le gaspillage