L’Américain Eastman investit pour créer la plus grande usine au monde pour le recyclage des plastiques PET en Normandie.

Port-Jérôme en Normandie deviendra d’ici 2025 l’un des centres névralgiques de l’économie circulaire en Europe. L’Américain Eastman, leader mondial du recyclage chimique, a choisi Port-Jérôme et la commune de Saint-Jean-de-Folleville pour implanter la plus grosse usine mondiale pour le recyclage des PET. L’entreprise, qui réalise 10,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021, va investir 850 millions d’euros dans ce projet. Elle aura la capacité de traiter 160 000 tonnes de déchets plastiques par an venues de toute l’Europe.

Profitant d’infrastructures maritimes et ferroviaires performantes ainsi que d’une volonté politique forte des collectivités, Port-Jérôme accueille déjà de multiples projets d’investissement dans le domaine de l’économie circulaire. Début 2022, l’entreprise canadienne Loop Industries, en collaboration avec Suez, a déjà annoncé dans le cadre de Choose France, un projet d’investissement de 250 millions d’euros. Elle traitera d’ici 2023, 70 000 tonnes de déchets. ExxonMobil, avec le Britannique Plastic Energy, va aussi investir à Port-Jérôme dans une unité pouvant recycler 33 000 tonnes plastiques par an.

D’autres projets de grande ampleur sont à noter. À Grandpuits (Seine-et-Marne), Total Energies, avec Plastic Energy, va reconvertir une raffinerie en centre de recyclage. La startup verte Carbios tire également la recherche française vers le haut avec ses implantations en Meurthe-et-Moselle et près de Clermont-Ferrand.

L’objectif ambitieux de la France, s’inscrivant dans le cadre des lois « anti-gaspillage et économie circulaire » de 2020 et « climat et résilience » de 2021, est d’atteindre 100 % des plastiques recyclés d’ici 2025. Pour atteindre cet objectif, elle investit 300 millions d’euros pour le recyclage dans le plan France 2030. Pour Eastman en particulier, la Région Normandie a soutenu le projet à hauteur de 35 millions d’euros. Ces engagements s’alignent sur les directives européennes, notamment l’interdiction des plastiques à usage unique et le Green Deal. Le 2 mars 2022, à Nairobi au Kenya, les Nations Unies ont commencé les négociations et ont fixé l’objectif d’un traité global « juridiquement contraignant » sur les déchets plastiques d’ici à 2024.

À la différence du recyclage traditionnel qui consiste à trier, nettoyer et fusionner le plastique, Eastman utilise des procédés chimiques. Ils permettent de recycler des plastiques multicouches, briques de lait, films plastiques, polyester etc. qui ne peuvent être recyclés autrement. Les méthodes chimiques ont l’avantage de pouvoir recycler presque à l’infini alors que le plastique recyclé traditionnel perd progressivement en qualité. Eastman utilise un solvant (méthanol) alors que Carbios a développé une enzyme moins vorace en énergie. Eastman s’appuie sur la biomasse et les énergies décarbonées, notamment nucléaire, pour ses usines et assure sa neutralité carbone. Aux États-Unis où le recyclage par solvant est courant, des ONG ont cependant mis en garde contre des risques de rejets de ces solvants, extrêmement polluants, dans les écosystèmes.