Les fortes intempéries connues fin mai-début juin en Espagne ont gravement impacté les productions agricoles et notamment celles de fruits dans le sud de l’Espagne.

La région de Murcie a été la plus impactée, avec de fortes averses de pluie et de grêle. Les productions de raisins, de melons et de pastèques ont notamment été touchées, avec des pertes estimées à 3,6 M EUR sur 533 ha.

Les récoltes de fruits à noyaux à Cieza ont dû être suspendues, les producteurs n’ayant plus accès à leurs vergers du fait que les sols n’arrivent pas à absorber la forte quantité de pluie tombée. En plus des dégâts occasionnés sur les fruits, cette situation entraîne un retard dans les récoltes et donc une surmaturation des fruits, qui perdent donc en valeur. La situation est la même à Caravaca de la Cruz dans les vergets d’abricots.

Dans les provinces de Cáceres (Estrémadure) et d’Ávila (Castille et Léon), ce sont les productions de cerises qui sont menacées. En Estrémadure, sur les prévisions de récoltes de cerises qui étaient de 35 M kg, les pertes sont estimées à 70 %. Dans la région d’Ávila, 400 000 kg de cerises auraient dû être récoltés, mais les fortes intempéries ont amené des pertes estimées à 80 %.

En dépit de ces fortes précipitations, l’exceptionnelle durée de l’épisode de sécheresse qu’a connu le territoire espagnol depuis janvier 2022 (selon le ministère de l’Environnement - MITECO) et la magnitude des températures ont plongé une partie du pays dans une situation de crise. Selon les données de l’Agence nationale de météorologie (AEMET), le mois d’avril 2023 a été le mois d’avril le moins pluvieux depuis le début des séries en 1980 : il a plu 18,3 mm contre 64,3 mm en moyenne sur la période 1980-2010. De même, des records de températures ont été battus au mois d’avril, avec 38,8°C enregistrés à Cordoue le 27 avril.

Le manque de précipitations et les températures élevées ont fortement réduit les réserves en eau des barrages, qui sont passées en dessous de 50% de leur capacité. L’état des réserves n’est pas uniforme sur tout le territoire : alors que les régions du nord de l’Espagne présentent un taux de remplissage satisfaisant, les régions du sud et du versant méditerranéen sont particulièrement touchées par le manque d’eau, notamment les communautés autonomes d’Andalousie et de Catalogne qui ont mis en place des mesures de restriction de l’utilisation de l’eau.

En Espagne, 80% de l’eau douce est utilisée pour la production agricole. La surface irriguée s’élève à 3,87 millions d’hectares, soit 23% de la surface arable, et produit plus de 65% de la valeur agricole. Si les surfaces irriguées augmentent peu ces dernières années, la rénovation des techniques utilisées représente l’axe majeur de développement : 77% des surfaces irriguées le sont aujourd’hui via des moyens modernes et économes en eau, délaissant l’irrigation par gravité. La performance de l’agriculture espagnole repose aujourd’hui très largement sur l’irrigation ; la gestion économe de la ressource face aux pénuries annoncées est la clé de son avenir.

Cette situation laisse le monde agricole dans le désarroi : selon un rapport de l’organisation d’agriculteurs COAG, 80% du territoire agricole est affecté par la sécheresse. Au-delà des cinq millions d’hectares de cultures en sec (blés et orges notamment) considérées comme perdues du fait de l’absence de précipitations, la pérennité des cultures ligneuses irriguées (fruits, oliviers) est menacée par les restrictions d’eau, ce qui risque d’engendrer la perte des arbres et la nécessité d’arracher. A titre d’exemple l’organisme de gestion du bassin versant du Guadalquivir (Sud-Ouest) a annoncé une dotation de 700m3/ha (équivalent à 70 mm de pluie) pour les cultures les plus gourmandes en eau, soit presque -90% par rapport à la dotation d’une année normale.

Etat du remplissage des bassins hydrographiques au 31 mai 2023


Conscient de l'urgence de la situation, le gouvernement espagnol a pris des mesures pour atténuer les effets de la sécheresse. Ainsi qu’aider les agriculteurs à faire face aux conséquences de ces conditions climatiques sur leurs cultures, et donc plus largement sur toute l’économie qui en découle.

En effet, les réserves d'eau insuffisantes entraînent une diminution de la production agricole, ce qui met en péril la sécurité alimentaire et économique du pays. De plus, les écosystèmes naturels sont gravement affectés, avec des conséquences sur la biodiversité et la conservation des habitats.

Après un conseil d’état d‘urgence dans le pays, un budget de 2,19 milliards d’euros et un certain nombre de mesures ont été adoptés pour lutter contre la sécheresse et le manque d’eau en Espagne.

Ce budget est orienté vers trois principaux axes, tous visant à soutenir des initiatives ayant pour objectif de gérer et de prévenir les crises liées à l'eau :

L'amélioration des infrastructures hydrauliques : Des investissements ont été alloués à la modernisation des infrastructures de stockage et de distribution de l'eau. Cela comprend la construction de nouveaux barrages, la réhabilitation des systèmes de canaux et l'amélioration des réseaux d'irrigation pour une utilisation plus efficace de l'eau.

La promotion de techniques d'irrigation durables : Des incitations financières sont accordées aux agriculteurs pour adopter des techniques d'irrigation plus économes en eau, telles que l'irrigation au goutte-à-goutte et l'utilisation de capteurs pour mesurer l'humidité du sol. Ces pratiques permettent d'économiser de l'eau tout en maintenant une production agricole viable.

La recherche et le développement : Des fonds ont été alloués à la recherche et au développement de technologies innovantes visant à prévenir les sécheresses

La répartition du budget devrait être la suivante : plus d’un tiers sera dirigé vers ces initiatives vertueuses et la remise à niveau d’infrastructures existantes. Le reste du budget sera attribué comme une aide directe à l’agriculture (dont la moitié pour les élevages bovins, ovins, et caprins), sous forme de chèque par exemple.