La situation de la Covid 19 précipite l'engagement brésilien pour les biointrants

Fort de l’effet catalyseur de la pandémie de COVID-19 et de nombreuses pressions internes et internationales, l’agriculture brésilienne s’est assurément engagée dans sa transition durable, avec le lancement le 28 mai 2020 du Programa Nacional de Bioinsumos par la Ministre de l’Agriculture et ses secrétaires à l’innovation et à la sécurité sanitaire.

 

La situation économique a contribué à l’obtention de remarquables résultats pour l’agriculture brésilienne, qui bénéficiait d’une conjoncture déjà prospère : récolte historique de grains en 2020, culminant à 252 M de tonnes, alliée à un record d’exportations au premier semestre (grains et viandes). À cela, la pandémie a ajouté la dévalorisation de la monnaie locale qui a accentué la compétitivité internationale des produits brésiliens. Le secteur se porte ainsi à son mieux pour se lancer dans un massif plan d’investissements sur cette technologie qui semble apporter la solution à plusieurs de ses maux !

 

Une solution à tous les problèmes ?

 

Le biocontrôle est déjà bien connu au Brésil, pratiqué et apprécié pour son efficacité par les agriculteurs brésiliens en lutte intégrée. Aujourd’hui, on compte approximativement 20 M d’hectares (soja, canne à sucre, café, légumes) déjà traitées en biocontrôles, avec qui plus est, un caractère incontournable sur certaines cultures comme la canne à sucre.

Les perspectives de croissance sont par ailleurs importantes. Alors que la croissance mondiale est de 9% par an, elle est actuellement estimée au Brésil à 15%. Le marché ne représente pourtant aujourd’hui qu’une petite centaine d’entreprises sur plus de 1 200, les opportunités y sont donc colossales !

 

L’agrochimie est un marché gigantesque estimé à 12 milliards de dollars. Le Brésil est le premier consommateur mondial de produits phytosanitaires (500 M de tonnes par an) et l’utilisation d’intrants est à l’origine de 55% des coûts de production agricole.

 

La forte dépendance aux importations explique en partie le poids des intrants dans cette structure des coûts et constitue l’un des principaux défis de l’agro-négoce brésilien : 80% de la consommation de produits phytosanitaires est importée (60% du P, 80% du N, 96% du K, etc.) car les ressources naturelles font défaut sur le territoire et la production locale n’est pas viable. Le besoin de remédier à cette emprise étrangère a été d’autant plus perceptible pendant la pandémie, car cette dernière a causé une forte pression sur le change, avec une dévalorisation de la monnaie locale de 35% en 3 mois. Le secteur cherche donc à valoriser des solutions alternatives à produire localement et non dépendantes de ressources naturelles peu disponibles...

 

Le ministère de l’agriculture brésilien, qui a créé dans sa nouvelle organisation un secrétariat dédié à l’innovation agricole et à l’irrigation, voit de plus dans l’adoption rapide de ces innovations le moyen de redorer l’image agricole du Brésil et de l’ancrer dans la durabilité, tout en préservant sa compétitivité.

 

Que propose ce programme national ?

 

Selon l’équipe du Ministère de l’agriculture (MAPA), le programme couvre trois dimensions majeures :

  • Sociale : en apportant un exemple concret de rapprochement de l’agriculture familiale, particulièrement avancée en matière d’usage de produits de biocontrôle, et de l’agrobusiness via un intérêt commun, principalement important à la suite des critiques faites au gouvernement de vouloir jumeler ces deux formes d’agriculture.
  • Économique : en améliorant la production et en apportant des solutions contre l’apparition de résistances aux produits conventionnels et biotechnologies ; en diminuant l’utilisation d’intrants et la dépendance aux importations via la fabrication locale de solutions alternatives ; en améliorant l’image des produits brésiliens sur les marchés internationaux, mise à mal ces dernières années par le lien fait avec le défrichage de l’Amazonie notamment, etc.
  • Environnementale : en diminuant l’utilisation d’intrants conventionnels, s’élançant ainsi dans la transition environnementale souhaitée par le Ministère et le secteur.

 

Le programme s’articule autour de trois engagements principaux :

  1. Un cadre réglementaire facilitateur: Le MAPA n’enregistre déjà quasiment plus de nouveaux produits de synthèse depuis 2017, car la priorité est donnée ces dernières années aux biointrants (41 biointrants enregistrés en moyenne par an au cours des 5 dernières années contre 8 auparavant). Ce texte fondateur appelle aussi bien à revoir et faciliter les législations en matière d’enregistrement de biointrants, qu’à promouvoir des dispositifs étatiques d’incitation aux implantations de « biofabriques » et de règlementer leur fabrication à la ferme. Plusieurs normes sont déjà parues ou en cours de consultation depuis juin, notamment facilitant l’enregistrement de biostimulants et biofertilisants.
  2. En plus d’une règlementation plus transparente et simplifiée, le MAPA y annonce une forte incitation, notamment financière avec l’inclusion de dotations budgétaires de plus de 500 M BRL, soit environ 90 M EUR, dans le plan de soutien agricole, le Plano Safra, en vigueur depuis le 1er Ces enveloppes financeront des crédits pour les investissements dans l’innovation, pour l’achat de ces produits et surtout pour la création d’unités de production. L’incitation se décline également auprès de états et municipalités, qui seront orientés à créer des politiques de promotion des biointrants, et en termes d’image avec la création d’une « marque légale » spécifique.
  3. Une dynamisation de la recherche et une modernisation des connaissances en la matière : Tout d’abord en favorisant la transparence du secteur productif (publication d’un catalogue des entreprises et mise à disposition gratuitement d’une application mobile pour recenser les solutions disponibles sur le marché), puis en créant des bases qualifiées et solides à la dissémination des connaissances et au développement de la recherche (publication d’un livre « état de l’art » mettant à jour les connaissances sur ces produits, promotion de la formation et des bonnes pratiques, facilitation des partenariats nationaux et internationaux). Cela passe par la création d’un Observatoire National de Biointrants, dédié à la collecte et divulgation d’informations.

 

Le programme travaillera trois axes thématiques : la production végétale (lutte contre les ennemis de culture, nutrition végétale et pratiques agricoles), la production animale (alimentation et santé animale, pratiques d’élevage et aquiculture) et le post-récolte et post-abatage.

 

Le Brésil se donne ainsi les moyens de devenir, dans les prochaines années, l’une des références mondiales du secteur. Les autorités brésiliennes et la profession font preuve d’un déterminisme fort pour porter cette révolution et donner au Brésil une meilleure image et un avantage concurrentiel sur d’autres grands producteurs agricoles. Plusieurs autres initiatives du gouvernement, comme le plan national d’investissements pour une agriculture durable qui développera le marché des « titres verts » au Brésil, ont pour but de prendre efficacement le virage de la transition durable de l’agriculture brésilienne.

 

La France, qui dans le domaine de l’AgTech et plus spécifiquement des biointrants, dispose d’un savoir-faire certain, peut trouver dans la dynamique nouvelle de ce plan une opportunité d’affaires et de nouveaux partenariats.

Pour en savoir plus sur ce marché et sur la mission digitale Biointrants Brésil – Argentine 2020 proposée par Business France, vous pouvez prendre contact avec Claire Meignié, Chef du département AgroTech chez Business France au Brésil : claire.meignie@businessfrance.fr.