85 % des marchandises qui arrivent au Havre par la mer sont ensuite transportées par la route jusqu’à Rouen et la région parisienne. En regard, une barge fluviale peut transporter 5 000 tonnes de marchandises, soit autant que 250 camions.

Avec la croissance du e-commerce qui exerce une pression toujours plus forte sur les zones urbaines, le transport fluvial s’affirme chaque jour davantage comme une alternative écologique à la logistique habituelle. Peu polluant, il consomme 5 fois moins de carburant que le transport routier et émet 2,5 fois moins de CO2 à la tonne transportée.

Il offre également des avantages logistiques considérables pour le métabolisme urbain. Fiable et sécurisé, il présente en effet la capacité de desservir les villes les plus denses sans souffrir de la congestion routière et contribue même largement à la réduire.

Développer une logistique urbaine fluviale et décarbonée sur l’Axe Seine

Dans cette optique, la Métropole du Grand Paris, la Ville de Paris, la Métropole Rouen Normandie, Le Havre Seine Métropole, HAROPA PORT et Voies Navigables de France (VNF) ont lancé en avril 2022, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) qui vise à développer une logistique urbaine fluviale et décarbonée sur l’Axe Seine, comme alternative au transport routier, et à identifier les acteurs qui favorisent des solutions innovantes de livraison décarbonée du dernier kilomètre.

Le potentiel de la Seine est en effet considérable : on estime que le fleuve pourrait accueillir jusqu’à 4 fois plus de trafic de marchandises qu’actuellement. La vallée de la Seine dessert un bassin de consommation de 25 millions d’habitants. En 2020, près de 22 millions de tonnes de marchandises ont été chargées sur les ports en Île-de-France, c’est près d’1 million de trajets en camions qui sont évités (l’équivalent de 16 000 km de poids lourds mis bout à bout), tout en améliorant la fiabilité des livraisons.

Les 21 lauréats de l’AMI ont été dévoilés en octobre 2022

On y recense 13 entreprises : Coalis (transport de marchandise par voie fluviale), Fludis (solution décarbonée de logistique urbaine avec un bateau entrepôt), Ikéa (entreprise d’ameublement et de l’aménagement de la maison), TOWT (compagnie maritime française de transport à voile), Transport Duboc, la Société Fluviale de Logistique, Greenriver Cruises (croisières privées à Paris), Beerlink (solution dédiée à l’approvisionnement de bière en cuve pour les bars et les festivals), Urban Logistic Solutions (combiné fluvial et vélo électrique), matériaux de construction Cemex, Communauté portuaire de Paris, Comptoir dyonisien (coopérative d’épiciers, de vignerons et de producteurs) et Amazon Logistics.
Ainsi que 8 groupements : Cluster Logistique Urbaine ; Fluviofeeder/Douvet Logistics ; Sogestran-Véolia-Tout en Vélo Rouen ; Fibois-AREC-Dalkia-Idex-INOENSF2A ; Milliet BBC/Diligo/TGW ; Providentiel Coquillages-L’Equipage-Love, Your Waste-Dem Terria et Circoé-Neac Industry-Cybleo-Batai-Log.

Conformément au règlement de l’AMI, l’ensemble de ces lauréats pourra s’installer sur un ou plusieurs des 32 sites pouvant accueillir les projets des candidats.

Ikea et Franprix acheminent déjà leurs marchandises quotidiennement par la Seine

Depuis le 14 décembre 2022, Ikea passe par la Seine, entre le port de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et le port de Bercy pour acheminer ses marchandises avant de les livrer chez ses clients grâce à 12 camions électriques, qui assurent les derniers kilomètres. Ikea entend ainsi livrer 455 clients quotidiennement par la Seine et s’éviter 320 000 km par an, par la route.

Mais le géant suédois de l’ameublement n’est pas le premier à miser sur la Seine pour atteindre le cœur de la capitale. Depuis dix ans, Franprix approvisionne, chaque jour, 300 magasins parisiens en produits secs de cette façon. De Bonneuil-sur-Marne au port de la Bourdonnais, au pied de la tour Eiffel, l’enseigne de la grande distribution charge ainsi 42 containers de produits secs (conserves, biscuits secs, l’eau…) sur une barge, qu'une dizaine de camions livrent ensuite dans 300 magasins à Paris et dans la proche banlieue ouest. Une économie de 420 000 km par an par la route et 82 600 litres de carburant. L’enseigne dit ainsi éviter 3 600 camions sur les routes franciliennes, et une réduction de 20 % les émissions de CO2 par rapport au transport routier classique.

Fludis, la livraison urbaine pour les professionnels

Autre exemple notable, depuis août 2022, Fludis, entreprise de cyclo-logistique, dispose sur la Seine de 3 bateaux-entrepôts à propulsion électrique, de 38 mètres de long, pour développer son offre de livraison urbaine quotidienne pour des clients professionnels. Il combine un transport de marchandises en centre-ville par voie fluviale, avec un dernier kilomètre assuré par une flotte de vélos cargos électriques. À l’aller, la barge embarque des commandes à livrer du client Lyreco, et au retour des déchets à récupérer du client Paprec, un spécialiste du recyclage. 1 500 colis par jour sont ainsi transportés, essentiellement des fournitures de bureaux, chaque vélo pouvant transporter entre 180 et 250 kilos par tournée. Dès l’accostage du bateau, les vélos cargos sont débarqués par une nacelle et partent en livraison. La péniche de Fludis est équipée de deux grues et d’une nacelle, ce qui permet de décharger les marchandises facilement dans tout Paris.

Le bateau sert également d’espace logistique. Il sert à la fois à entretenir la flotte de vélos cargos électriques et chaque livreur y prépare ses commandes pendant la traversée. La recharge des batteries s’effectue de nuit, lorsque le navire est de retour sur le quai d’Austerlitz, et l’embarcation dispose d’un groupe électrogène en cas de besoin.

Fludis défend aussi un entrepreneuriat responsable : tous les livreurs sont embauchés en CDI et plusieurs d’entre eux sont d’anciens employés de l’association Carton Plein, qui forme et accompagne vers l’emploi des personnes en situation d’exclusion. L’entreprise est également membre de l’association Les Boîtes à vélo France dont l’objectif est de promouvoir l’usage du vélo comme mode de déplacement professionnel principal.

Multiplier les espaces de stockage

L’un des principaux freins à l’accès au transport fluvial est la disponibilité des entrepôts à proximité des fleuves. Haropa Port travaille notamment au projet Greendock, un entrepôt à étages pour densifier les espaces de stockage sans artificialiser davantage. De 800 mètres de long sur quatre étages, il devrait accueillir jusqu’à seize entreprises au port de Gennevilliers.