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Les prévisions sur lesquelles s’appuie la Confédération suisse pour planifier son besoin d’infrastructures dans les décennies à venir font état d’une importante hausse du trafic de voyageurs et du trafic de marchandises à l’horizon 2040. 


Economie, géographie et infrastructures

Le PIB par habitant de la Suisse est l’un des plus élevés au monde pour un pays industrialisé : 82 763 USD. Le pays compte 8,52 millions d’habitants et son économie est dynamique avec un taux de croissance de 2,8% en 2018.
La géographie de la Suisse est marquée par la montagne, Jura au nord-ouest et Alpes au sud. Le Plateau, région qui s’étend de Genève à Saint-Gall, couvre 30% du territoire et rassemble les deux tiers de la population. Trois quarts des habitants vivent dans les agglomérations et 4 emplois sur 5 se trouvent dans les régions urbaines. La densité de population est donc très élevée sur le Plateau : 526 hab/km² (contre 177 hab/km² dans le Jura et 71 hab/km² dans les Alpes). Si l’on ajoute à cela une urbanisation polycentrique, qui s’explique par la structure décentralisée du pays, l’on comprend que l’optimisation de l’utilisation des infrastructures existantes et la mobilité sont des enjeux cruciaux pour le développement économique de la Suisse et pour le bien-être de sa population.
La Suisse dispose d’infrastructures de qualité. 71 557 km de route dont 1 855 km de routes nationales, 21 529 km de voies dédiées aux transports publics routiers (97% pour les bus, 329 km pour les tramways, 320 km pour les trolleybus) et enfin du réseau ferré le plus dense du monde, avec 5 177 km de voies, 1 735 gares et arrêts et 596 gares de marchandises ou centres de transbordement.


Afin de garantir un haut niveau de service dans le domaine du transport, l’Etat investit beaucoup : en 2015, la Suisse a dépensé 8,1 milliards CHF (soit environ 8,3 milliards USD) dans les infrastructures routières et 8,4 milliards CHF (env. 8,7 milliards USD) dans les transports publics.

Aménagement du territoire et perspectives d’évolution du trafic

La surface construite en Suisse augmente de 1m² par seconde. Afin de préserver les espaces agricoles et les espaces non bâtis, l’Etat a adopté une politique de développement urbain à l’échelle du pays, qui concerne les différents niveaux politiques : Confédération, cantons, communes. La voie suivie pour préserver les espaces non bâtis est de densifier les zones urbaines ce qui implique bien entendu de prendre en compte les besoins en mobilité des populations.

Un autre facteur majeur dans le domaine de la mobilité et en particulier du fret est la volonté des autorités de protéger le milieu alpin, fragile, fortement impacté par le trafic de marchandises sur l’axe nord-sud du pays. Ainsi depuis de nombreuses années déjà, la Suisse a mis en place une politique volontariste afin de favoriser le transfert des convois de marchandises de la route au rail. De grands projets ont été engagés permettant ce transfert : les tunnels de base du Gotthard et du Ceneri en sont les exemples les plus marquants.
Enfin pour compléter le tableau des contraintes qui pèsent sur la mobilité en Suisse, l’Etat prévoit une hausse du trafic de voyageurs et de marchandises conséquente à l’horizon 2040 : +25% de voyageurs-kilomètres (passant de 115 milliards à 145 milliards), +37% de prestations de transport de marchandises.


Les infrastructures routières et ferroviaires atteignent par endroit et à certains moments de la journée leur capacité maximale. Certains projets d’infrastructures nouvelles, qui n’en sont qu’au stade de l’étude, promettent d’apporter des réponses à cette évolution mais ils peuvent surprendre : c’est le cas du projet Cargo Sous-Terrain, porté par la société éponyme, qui prévoit la création d’un réseau ferré sous-terrain qui relierait les principales villes du pays pour la livraison de marchandises de petite taille, ce qui délesterait les réseaux de surface. Un autre projet consisterait à construire des portions d’autoroute à deux étages afin de désengorger les tronçons les plus congestionnés, projet nommé « Swiss Express Way System ». Si ces projets témoignent de la créativité des offreurs de solution suisses, il semble peu probable qu’ils voient le jour rapidement. Les solutions privilégiées aujourd’hui sont celles qui permettent une meilleure utilisation de l’infrastructure existante, et c’est tout l’enjeu des ITS.

Les ITS pour faire face aux défis de la mobilité

Face aux défis que représente l’accroissement prévu du trafic, que ce soit routier ou ferroviaire, les ITS semblent être la voie de prédilection. Pour le cas de la Suisse, l’objectif est clair : il s’agit de décongestionner les réseaux existants. Le recours aux transports publics doit permettre de faire diminuer la part du transport individuel motorisé dans le mix modal. Pour cela, il faut que les solutions mises en place puissent garantir un haut niveau de disponibilité et de flexibilité, afin de constituer une alternative crédible à l’automobile à usage individuel (non partagé).


La Suisse, pays ouvert à l’innovation (1er du Global Innovation Index 2019, publié par la World Intellectual Property Organization), adapte régulièrement sa législation afin de favoriser l’émergence de solutions intelligentes et durables dans le domaine de la mobilité. Ainsi, elle est pionnière en matière de conduite autonome puisque c’est à Sion, dans le canton du Valais, qu’a été mise en service la première navette autonome transportant des passagers en Europe. Ce projet, porté par la Ville de Sion, CarPostal, le Canton du Valais et Energies Sion Région, est un service régulier de navettes automatisées reliant la vieille ville à la gare de Sion. Les navettes sont conçues par le constructeur français Navya. Navya est d’ailleurs également partie prenante du projet Swiss Transit Lab à Schaffhouse. Opérée par la société de transport public du canton de Schaffhouse, VBSH, la ligne 12, entièrement automatisée, relie le centre de Neuhausen am Rheinfall aux chutes du Rhin, desservant au total 7 arrêts.
Ces systèmes de conduite autonome facilitent la mise en place de concepts de transport à la demande pour les premier et dernier kilomètres. Cela devrait prochainement être possible à Rheinhausen am Rheinfall grâce à une application dédiée.
Les usagers des transports publics suisses peuvent aussi profiter du Swisspass, une carte qui permet de stocker les abonnements de transport public et donne accès à des services complémentaires. Il est par exemple possible d’utiliser le Swisspass pour accéder à certains domaines skiables partenaires ou encore pour utiliser des services de location de vélos (PubliBike, notamment). Le Swisspass permet ainsi, avec un seul support d’avoir accès à une multitude de réseaux de transports en commun dans tout le pays. Cela est également rendu possible par la coopération étroite entre les entreprises de transport public. Il est par exemple possible d’acheter un titre de transport à la journée valable dans toute la Suisse, sur tous les réseaux de transports publics (à quelques rares exceptions près) : train, tramway, bus, bateau (sur les lacs).

Autre exemple d’aménagement permettant de désengorger les réseaux, le RER Léman Express est entré en service le 15 décembre 2019, qui permet de desservir par train toute la région genevoise, aussi bien côté suisse que côté français, soit un bassin de population d’un million d’habitants. Ce réseau de 230km a été rendu possible par la construction d’un tronçon de 16km reliant Genève à Annemasse. Ce nouvel aménagement devrait permettre de réduire la part de déplacement routier dans l’agglomération genevoise de 12% en incitant les travailleurs frontaliers à privilégier le train, plus rapide et moins cher que la voiture, dès lors que les usagers peuvent rapidement se rendre à l’une des gares desservies. En particulier dans le canton de Genève, les itinéraires des autres transports en communs, bus, tramway, trolleybus, ont été modifiés afin de faciliter l’accès des habitants aux gares desservies par le Leman Express. De nombreux parkings ont été prévus, permettant de combiner voiture et train ou vélo et train.
En complément de ces projets d’envergure, l’offre de services de partage est riche : autopartage avec la société coopérative Mobility, vélo-partage avec les sociétés PubliBike, Smide, Carvelo2go, service de location de trottinettes, avec les sociétés Lime, Tier, Bird ou encore Circ.
Les initiatives sont nombreuses et certains modèles d’affaires sont encore à peaufiner. La volonté d’apporter des réponses innovantes et concrètes aux problématiques de mobilité est cependant réelle et la Suisse est un formidable laboratoire pour tester en conditions réelles de nouvelles solutions.

Pour aller plus loin : du 14 au 16 septembre, ne manquez par L'Arène suisse de la mobilité à Berne.

Auteur : Arnault PAGNARD, Chargé d’affaires export Industrie & Cleantech, Business France Zurich