Si la crise du COVID­19 a obligé de nombreux exportateurs à se recentrer sur les marchés de proximité, la contrainte pourrait bien se transformer en opportunité dans le secteur des cosmétiques naturels et bio

Comme le confie Céline Merit, chargée d’affaires export au sein du bureau Business France de Barcelone : « En Espagne comme en Italie, on observe un effet d’accélération de la tendance naturelle et bio, quelques années après les marchés d’Europe du Nord. La demande y est élevée et l’offre locale pas encore suffisante pour y répondre… Il y a une vraie place pour les entreprises françaises ! »

 

 

ITALIE : +122% DE CROISSANCE EN CINQ ANS, ESPAGNE : +10% PAR AN

« Une vraie place », c’est-à-dire un segment de marché qui désormais se compte en centaine de millions – voire en milliard – d’euros. « En Italie, les cosmétiques durables ont représenté 1,6 milliard d’euros en 2020, sur un marché total de 9,7 milliards », explique Anna Perrone, conseillère export senior au bureau Business France de Milan. Un chiffre à affiner autour de 778 millions d’euros si l’on considère uniquement le segment naturel et bio[1], et à comparer avec les 800 millions d’euros affichés pour ce même segment sur le marché espagnol[2]. Car, dans ces deux pays, l’enjeu-clé est précisément d’arriver à circonscrire le phénomène autour d’une définition commune. « Généralement on retient le terme de cosmétiques naturelles ou “naturelles et bio”, davantage que clean beauty ou green, confirme Céline Merit. C’est la naturalité dans les compositions qui prime, même si de nombreuses niches de marché commencent à émerger – comme le packaging recyclable, le Do it Yourself ou encore le refill ».

 

Difficile d’étudier et chiffrer le phénomène donc, mais les dynamiques de croissance sont, elles, particulièrement éloquentes. En Italie, entre 2015 et 2019, l’association Cosmetica Italia a ainsi recensé une croissance de 122% de la cosmétique bio et naturelle, avec une augmentation de 110% du nombre d’entreprises impliquées sur le segment et une hausse de 114% des bio-parfumeries. En Espagne, c’est le taux de croissance annuel de 10% qui est avancé par la Stanpa, association nationale de la cosmétique – laquelle ajoute que « 30% des nouveaux lancements sur le secteur cosmétique se font désormais en bio et naturel ». Une explosion, donc, qui appelle des savoir­faire et des innovations au-delà des frontières.

 

UN MADE IN FRANCE RECONNU ET ATTENDU

« Auparavant, les entreprises françaises des cosmétiques naturels craignaient de ne pas trouver des volumes suffisants en Espagne ou en Italie, mais désormais le marché est installé, en croissance et porteur de valeur », confirme Céline Merit. Car, au­delà du segment naturel et bio, les deux pays ont une culture de la cosmétique qui témoigne d’un réel pouvoir d’achat : « En Italie, les femmes consomment en moyenne onze produits de cosmétiques par jour pour un budget annuel moyen de 300 euros, tandis que les hommes en utilisent quatre par jour, pour un budget de 100 euros », témoigne Anna Perrone. Si, en Espagne, le budget est un peu moindre (154 euros par an) et la sensibilité au prix réelle, le pays reste tout de même le cinquième marché européen de cosmétiques… dont un tiers sont importés de France. « Le Made in France est toujours aussi convaincant en terme de branding mais il faut davantage mettre en avant l’efficacité du produit ou la modernité de celui-ci qu’une image traditionnelle de la France » conseille Anna Perrone. Même son de cloche de l’autre côté des Pyrénées : « Les marques françaises doivent trouver une différenciation pour exister car le marché reste très concurrentiel : il faut pouvoir répondre à un besoin bien identifié ou à une certaine cible (ex : les sellennials, les familles ou, en private label, les grandes enseignes GMS comme l’espagnole Mercadona ou l’italienne Esselunga) ».

 

…MAIS UNE OFFRE LOCALE QUI SE STRUCTURE

Car des champions locaux de cosmétiques naturels et bio, historiques ou émergents, sont déjà en première ligne pour absorber la vague : « La tendance naturelle en Espagne est principalement l’œuvre de jeunes marques qui ont grandi en digital et se sont progressivement étendues en retail physique, en ouvrant, pour certaines, leurs propres boutiques », analyse Céline Merit. Parmi celles-ci, on peut citer Freshly Cosmetics, Etnia Cosmetics, Cocunat, Matarrania ou encore Handmade Beauty et Alqvimia. En Italie, même si des marques comme puroBIO Cosmetics, Madara, KHADI, Lavera, Biofficina Toscana, Avril, Dr. Hauschka, Weleda ou SoBio Etic commencent à émerger et se faire une place sur le marché, c’est surtout l’historique L’Erbolario qui régit le segment naturel depuis plus de quarante ans, avec des concurrents comme Bottega Verde ou NaturaSí. « L’Erbolario est un acteur pionnier qui a non seulement lancé de nouveaux produits mais aussi développé une certaine stratégie retail (monomarque, en propre) à laquelle les marques ont désormais tendance à se conformer », explique Anna Perrone.

 

DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ATOMISÉS

Car, dans cette mouvance bio et naturelle, le réseau de distribution est souvent synonyme de facteur clé de succès. Et, en Espagne comme en Italie, c’est l’atomisation des structures qui prime. « Outre les boutiques monomarques que l’on a citées, on retrouve en Italie le commerce de détail bio comme les chaînes NaturaSí, Cuore Bio ou Ki Ama Bio, puis les herboristeries et les bio­parfumeries indépendantes », cite Anna Perrone qui signale que tous ces « petits » acteurs régionaux et indépendants sont souvent soucieux d’élargir leur catalogue vers des marques pure players reconnues à l’international. Schéma comparable en Espagne, où les cosmétiques naturelles et bio se trouvent plutôt en boutiques indépendantes, concept-stores, petites herboristeries, en magasins bio (ex : Veritas, la chaîne 100% bio espagnole) ou chez les grands retailers comme Sephora, Primor, Druni ou Douglas – voire El Corte Inglés qui prévoit prochainement d’ouvrir un corner natural beauty. « Mais contrairement à l’Italie où seules 1000 pharmacies affichent un espace beauté structuré (sur les 19 000 recensées dans le pays), on compte en Espagne près de 70 000 références de produits dermocosmétiques en pharmacies-parapharmacies », signale Céline Merit. Un segment à entretenir, donc, d’autant qu’il a échappé aux confinements de 2020 et s’est donc très bien maintenu d’un point de vue économique.

 

INVESTIR LES MARCH֤ÉS : COMMUNICATION ET PARTENAIRES LOCAUX

Dans ce contexte de distribution très hétéroclite, la recherche d’un partenaire sera donc le point d’entrée indispensable de ces marchés de proximité. « Il est important de travailler avec des distributeurs ou agents spécialisés bio et naturels, pour ensuite toucher le canal plus traditionnel des parfumeries et herboristeries », signale Anna Perrone.

Voire le e-commerce, autre canal en explosion sur le segment bio et naturel : +150% de croissance sur les sites dédiés aux cosmétiques bio et naturels entre 2015 et 2019 en Italie, dont des grands noms comme Sorgente Natura, Ecco-Verde ou Primobio. Céline Merit confirme pour le marché espagnol : « Le consommateur a tendance à se rendre sur de grandes marketplaces comme Naturitas, Planeta Huerto ou MiFarma pour réaliser des achats spécialisés sur le segment. Le rôle du partenaire sera donc de pousser la marque sur celles­ci et de la faire connaître sur les réseaux sociaux ».

 

Assez logiquement, la communication tient une place importante dans la stratégie d’implantation sur le marché : « Avec Instagram en réseau social numéro un et Tik tok en progression sur la cosmétique, on peut aussi faire appel à des influenceurs beauté qui ont toujours un rôle à jouer en matière de notoriété », signale Anna Perrone, qui rappelle que la communication doit passer par la langue du pays, et non par l’anglais. « En revanche, les labels français ou européens, comme Ecocert ou Cosmebio sont tout à fait reconnus et, en l’absence de référentiel unifié en Italie et en Espagne, ils ne nécessitent pas d’en solliciter un autre »

 

En mars 2022 aura lieu le salon international de la cosmétique Cosmoprof, avec un pavillon dédié au Naturel. « C’est l’occasion de venir rencontrer les besoins du marché, notamment sur le maquillage naturel où beaucoup d’innovations restent à découvrir ; les soins du visage, les cosmétique solides, le packaging recyclable, le capillaire naturel… tout cela intéresse les acteurs locaux », précise Anna Perrone. Pendant ce temps, en Espagne, Céline Merit propose une French Beauty Box, sélection de huit marques envoyées aux distributeurs locaux et retailers. « Pour cette première édition en 2021, la moitié des marques étaient bio. Quand on sait qu’un foyer sur huit consomme du bio en Espagne, le potentiel de marché est facile à deviner… »

 

 

 


 
[1] D’après l’association Cosmetica Italia
[2] D’après l’association Stanpa

 

Dans la même catégorie : Vous souhaitez vous développer à l'international et en savoir plus sur les opportunités en 2021 sur les marchés des cosmétiques? Consultez notre article, nos experts vous expliquent tout en détail.