« Le marché émirien est un marché onéreux à prospecter et assez concurrentiel pour les acteurs de la santé. Mais quand on a réussi à bien se positionner, on a alors accès à l’une des régions les plus dynamiques au monde en termes de croissance démographique, et à une zone commerciale qui s’étend du Golfe aux pays d’Afrique. Sans compter la vitrine que cela représente… ».

 

Une demande de soins qui explose

Si Andrea de Rossetto, chef du pôle Santé au bureau Business France aux Émirats Arabes Unis, semble si confiante sur les perspectives du secteur Santé dans ce pays, c’est que les tendances de consommation confirment toutes un phénomène de rattrapage sur une population en pleine croissance[1]. « La mise en place d’une assurance santé obligatoire pour tous les employés[2] à Abu Dhabi depuis 2005 et progressivement à Dubaï depuis 2014 a beaucoup joué dans cette explosion. Les émiriens bénéficient désormais d’un système de remboursement complet des soins médicaux (« Thiqa » pour les aboudhabiens et « Sadaa » pour les dubaïotes) partout dans le monde ». Un vrai effet d’aubaine qui a d’ailleurs conduit le gouvernement à limiter les abus en imposant une participation non remboursable sur certains soins.

 

Mais le contexte réglementaire n’est pas le seul facteur d’explication à la multiplication des soins : « Avec l’occidentalisation de certaines pratiques et la ‘culture du mall’, 66% de la population serait actuellement en surpoids, témoigne Andrea de Rossetto. Et les maladies cardio-vasculaires représenteraient pas moins de 37% des causes de mortalité, dans un contexte général de vieillissement ». Les soins à domicile et la consommation des médicaments connaissent par conséquent une augmentation notable. Et à cela s’ajoute le développement de maladies chroniques comme le diabète (qui touche désormais 17% de la population), créant ainsi un appel d’air pour tous les dispositifs de monitoring.

 

Equiper les hôpitaux privés

Ces tendances de consommation confirment alors les chiffres de croissance sur les principaux segments de marché : leader incontesté, les produits pharmaceutiques progressent de 7% par an, représentant 18% des dépenses en santé, tandis que les dispositifs médicaux (consommables, fournitures, mais aussi soins dentaires et orthopédie/prothèses) connaissent une hausse comparable, à 6-7%, et un marché estimé à 1,3 milliards de dollars d’ici 2021. « Il y a de la place pour les acteurs français, pourvu qu’ils sachent s’adapter à la réactivité du marché et arrivent à convaincre les grands donneurs d’ordre et distributeurs locaux », signale Andrea de Rossetto.

 

Parmi ces donneurs d’ordre, le développement des grands hôpitaux et cliniques locaux agit comme un catalyseur. « En 2016, 55% des hôpitaux appartiennent à des investisseurs privés, explique Andrea de Rossetto, un chiffre qui monte à 85% quand il s’agit du domaine des soins dentaires. »

 

Une tendance qui s’explique par la volonté du gouvernement de désendetter l’Etat sur cette partie hospitalière, en plein contexte de déflation pétrolière. Aux grands hôpitaux publics de Dubaï (Rashid Hospital), d’Abu Dhabi (Shaikh Khalifa Medical City) et d’Al Ain (Tawam Hospital) succèdent ainsi les cliniques des grands groupes leaders de la distribution médicale : Mediclinic Middle East (7 hôpitaux, groupe sud-africain), VPS Healthcare (9 hôpitaux, groupe indien). « Ces hôpitaux proposent des ‘primal care’ mais aussi des soins de longue durée, qui ont pour corollaire une offre de services adaptée ».

 

Le service, challenge numéro un pour les établissements de santé français

Car parmi les aspects qui pénalisent le tourisme médical émirien vers la France, cette offre de services limitée est souvent invoquée : « Les structures de soins en France ne proposent pas de chambres supplémentaires pour la famille en cas d’intervention longue durée, la facturation est jugée complexe pour les non-résidents et on manque de personnel anglophone. Sans compter que le corps médical français se montre souvent réticent à une offre médicale liée au tourisme du luxe… » Les établissements de santé français sont donc prévenus : pour se développer sur ce segment, ils devront déployer beaucoup d’efforts.

 

Car les concurrents allemands et américains sont, eux, déjà largement implantés, conséquence d’un partenariat médical identifié depuis les années 1970 : aux Etats-Unis, les Emirats Arabes Unis ont en effet longtemps apporté des financements aux fondations médicales pour pouvoir accéder aux derniers soins en matière d’oncologie ou de neurologie. Tandis qu’à Sharjah (troisième émirat en importance), une grande partie de l’élite part se faire soigner à Munich.

 

Le distributeur, acteur clé du succès

Cette demande de service, elle émane également des distributeurs locaux qui exigent, entre autres, une plus grande réactivité, une continuité et un suivi des échanges, un meilleur accompagnement financier et commercial sur place et un service après-vente.

 

Progresser sur le service, certes, mais aussi sur la partie commerciale : « Trop souvent, les exportateurs français négligent le relationnel avec le distributeur local et se déchargent auprès de lui une fois la transaction terminée. Par exemple, avec un interlocuteur comme VPS Healthcare (capital à majorité indien), il est important de convaincre et d’accompagner commercialement mais aussi de mettre en valeur le savoir-faire français ». D’autant que ceux-ci présentent souvent une position oligopolistique sur le réseau de distribution local et peuvent, par ailleurs, représenter un accès direct au grand marché indien.

 

Accéder au marché

Autre défi de l’accès au marché : l’enregistrement des produits auprès du Ministère de la Santé émirien ou de la Municipalité de Dubai, dont les délais évoluent entre six et douze mois.

« Pour enregistrer votre produit, vous devrez faire un choix. Soit vous créez votre filiale en zone franche (avec un investissement approximatif de 30 000 euros) et vous enregistrez vos produits à votre nom – mais cela ne vous permettra pas pour autant la vente au détail. Soit vous acceptez que le distributeur fasse l’enregistrement en son nom – mais il faudra alors accepter le facteur de risque en cas de rupture du contrat ».

 

Quel que soit le choix effectué, une TVA à 5% s’appliquera sur le prix des produits, à laquelle s’ajouteront les marges arrière pour l’affichage des produits en pharmacie… « Des contraintes qui ne doivent cependant pas décourager les entreprises françaises car le marché est en continuelle expansion et permet un vrai développement », insiste Andrea de Rossetto.

 

Arab Health

Pour s’en convaincre, il suffira de se balader dans les allées du salon Arab Health Middle East, à Dubai du 27 au 30 janvier prochains pour constater l’appétit grandissant des fournisseurs et distributeurs : « C’est devenu le deuxième salon au monde en matière de santé, juste derrière Medica en Allemagne ». Ouvert sur toute la zone, Arab Health regroupe une clientèle venue des Emirats, mais aussi d’Arabie Saoudite, d’Iran, d’Irak, d’Egypte, du Koweït, de la Jordanie, du Sultanat d’Oman, du Liban et de plus en plus du continent africain. « Pour les attirer sur le pavillon Business France, il faudra mettre à l’honneur la contribution incontournable de la France dans l’évolution du secteur médical, conclut Andrea de Rossetto. Et dans ce domaine, nul doute que les entreprises françaises ont le potentiel… »


[1]plus  de 9,5 millions aujourd’hui, elle devrait atteindre 11 millions d’ici 2025
[2] à la charge de l’entreprise