Peu de gens savent que la moitié des spiritueux de prestige produits dans le monde provient d’une région de France, discrète – voire même secrète : la vallée de la Charente… à peine 1% du territoire français. Et pourtant, nous parlons là de plus de 275 millions de bouteilles vendues dans 150 pays, soit 3,5 milliards d’euros annuel, contribuant fortement au deuxième poste excédentaire de la balance commerciale française. En 2016, les acteurs locaux ont décidé de se fédérer en créant Spirits Valley, le cluster du french savoir-faire des spiritueux d’excellence.

Si je vous dis qu’en 1930, aux Etats-Unis, Frederick Terman, professeur à Stanford University, remarqua que ses meilleurs élèves préféraient rejoindre la côte Est après leurs études. Qu’il profita des investissements réalisés en 39-45 autour des technologies de Défense pour proposer aux entreprises de s’installer sur des terrains appartenant à Stanford. Et qu’il développa un programme permettant aux ingénieurs travaillant dans ces entreprises de profiter de cours à l’Université… La population doubla ainsi en quelques années. C’est en 1971 que Don Hoefler, journaliste local, baptisa cette région « Silicon Valley ». Désormais, la Silicon Valley - l’épicentre de l’innovation planétaire - accueille des cerveaux du monde entier et les sièges sociaux de Google, Apple, Facebook, Intel, Adobe, Tesla, Uber, Twitter… En 2017, 5 milliards de dollars y ont été investis sous forme de capital risque dans 660 start-up. On y créé une dizaine d’entreprises chaque semaine.

Si, à la fin des années 90, le cognac représente la quasi-totalité des exportations, deux événements majeurs ont changé la donne, décomplexé les opérateurs et obligent désormais à « penser différemment » : la naissance en Charente de deux vodkas devenues mondialement célèbres (Grey Goose et Cîroc). Alizé, boisson culte de l’âge hip hop en 1975 et Hpnotiq, liqueur de fruits en 2003, sont deux autres réussites commerciales nées dans cette région. Désormais, vodkas, gins, liqueurs et autres alcools représentent 30% du total (80 millions de bouteilles) quand les ventes de cognac battent chaque année de nouveaux records (197 millions de bouteilles exportées en 2017, 179 en 2016 ou 162 millions de 2011…).

Alors, pourquoi les opérateurs se fédèrent-ils à un moment où tout va si bien ? D’abord parce que si, la SiliconValley écrit son histoire depuis 50 ans en s’appuyant sur des fondations presque centenaires, Spirits Valley - qui n’a encore que quelques années - repose elle sur les 300 ans du plus prestigieux spiritueux au monde : le cognac. Avec un socle aussi solide, on voit bien les perspectives de développement. Ensuite, parce qu’il faut préparer l’avenir. Pour cela, Spirits Valley souhaite l’éclosion d’un grand campus universitaire, capable de former la crème de la crème des étudiants - du CAP au doctorat - aux quelques 20 savoir-faire que comptent la région. Des étudiants qui seront les créateurs de marques, de produits, d’innovations et d’emplois de demain. Enfin, parce que ce sont eux qui contribueront au rayonnement des produits issus de Spirits Valley.

Parfaitement formés, ils seront les meilleurs défenseurs de l’exigence d’excellence que requiert la réalisation d’un spiritueux premium, complexe et onéreux à concevoir, clé de voute absolue de la pérennité et de la crédibilité de produits d’une telle envergure.

Billet d’expert rédigé par Etienne Hosteing

Président de Spirits Valley