Les Observatoires Digital Innovation de la School of Management de l’Ecole Polytechnique de Milan (Politecnico di Milano) ont été créés en 1999 avec pour objectif de créer une culture dans les principaux domaines de l’innovation digitale. Leur mission est de produire et de diffuser des connaissances sur les opportunités et les impacts que les technologies numériques ont sur les entreprises, les administrations publiques et les citoyens. 

Au sein de cette organisation, M. Giulio Salvadori dirige l’Observatoire sur les véhicules connectés et la Smart Mobility, l’Observatoire sur l’IoT et participe aux travaux sur le domaine de la Smart City. 

Positionnement de l’Italie sur la Smart Mobility, enjeux pour les projets à venir et focus sur la Smart Road :

 

 

  • Comment se positionne l’Italie par rapport aux autres pays européens, sur les thématiques de la voiture connectée et de la Smart Mobility ? 

 

Cela dépend de la verticale. Par exemple sur le véhicule connecté, l'Italie n'est pas mal positionnée, avec les boîtes noires, très répandues dans le pays. À mon avis, nous sommes parmi les 2-3 premiers pays sur ce domaine. Au niveau de la mobilité électrique, l’Italie est très mal classée. Nous avons par exemple que les pays nordiques, sont en avance, mais aussi je pense que même la France et également l'Allemagne sont loin devant l'Italie.  

Sur le domaine des Smart Road (routes intelligentes, ndlr) nous avons également fait une analyse, pas seulement la mobilité urbaine, mais aussi extra-urbaine. Également sur ce point, on en parle en Italie mais, sans avoir fait de recensement au niveau international, on voit qu’il y a des pays plus avancés que l’Italie, c'est-à-dire qu'il y a plus d'expérimentations en Europe du Nord. Même si pour ces pays, ils ne sont pas au niveau d'une diffusion à grande échelle, mais toujours au stade de l'expérimentation, il y a davantage d’expérimentations que ce que nous avons trouvé en Italie.   

Sur le sujet de l'analyse du stationnement, de la gestion du stationnement et de la gestion du trafic, nous ne sommes pas trop mal positionnés, dans le sens où, les pourcentages sont similaires à ceux de l'Europe. Par exemple, 30-40% des municipalités ont commencé à faire des projets de ce type, un chiffre qui est en ligne avec celui des municipalités des principaux pays européens. 

Donc cela dépend de la verticale : pour les véhicules connectés nous sommes plus avancés, la mobilité électrique et la route intelligente en retrait, et pour les autres comme le stationnement et le trafic un peu au milieu. 

  •   Sur le sujet de la Smart Road, quelques projets émergent… 

 

Oui. Un des projets concerne la « BreBeMi » (autoroute A35 qui traverse les provinces de Brescia, Bergame et Milan, ndlr) une autoroute qui sera non seulement rendue intelligente, mais qui sera également électrifiée, de sorte que, lorsque les voitures passent, elles soient rechargées sur ce tronçon. C'est un projet intéressant. Il y a ensuite les projets pour l’A24 et l’A25 (deux autoroutes qui relient le centre-ouest au centre-est de l’Italie, ndlr), qui seront couverts par le plan de relance, avec des fonds dédiés. Et après, il y a l’autoroute Salerne-Reggio de Calabre, ainsi que d’autres projets d’expérimentation. 

Nous voyons encore peu de choses concrètes, mais ces projets se mettent en place. Nous voyons un grand intérêt de la part des acteurs. Par exemple, les gestionnaires d’infrastructures routières sont très intéressés à comprendre quel sera leur rôle, comment évoluera leur business model. Nous avons, en effet, fait des projets de recherche avec des opérateurs routiers pour comprendre où ils devront aller, comment ils généreront des revenus à travers ces projets, comment ils devront collaborer avec les entreprises de télécommunications, avec les constructeurs automobiles, etc. Ce sont des questions qui commencent à être posées de manière très importante. 

  •   Ce sont donc ces expérimentations qui leur permettent d'avoir plus de données sur comment gérer ces nouvelles thématiques 

 

Il est clair que ces projets peuvent comporter beaucoup d'investissements, surtout pour l'opérateur routier qui gère les autoroutes. Et donc ils veulent comprendre le retour économique qu'il y aura et comprendre précisément quel sera le rôle. C'est-à-dire, seront-ils des facilitateurs de données, donc revendront-ils les données à des tiers ? certifieront-ils, par exemple, les données en cas d’accidents grâce aux capteurs de route intelligente ? Seront-ils des revendeurs de services : localiser des stations de recharge pour véhicules électriques, le vendront-ils eux directement ? En bref, du fait de l’investissement économique, il y a une vraie interrogation sur le retour économique lié à ces projets 

  

  • Et il y a également un travail sur ce plan du côté des fabricants d’automobiles donc …  

Oui, c’est le cas par exemple d’une collaboration qui a eu lieu dans le cadre de l’Observatoire entre Sinelec (société du groupe Gavio-ASTM), qui est un opérateur d'infrastructure, et Volkswagen : ils sont allés intégrer la Golf 8 avec un tronçon d'autoroute italienne pour voir comment elle communiquait via la technologie V2X.  

  •   Pour résumer, vis-à-vis des thématiques que nous avons abordées lors de cette interview sur quels points l’Italie se distingue et sur lesquels en revanche il y a une marge de progression ? 

 

Sur les points sur lesquels l’Italie se distingue, je dirais le fait d’être déjà actif dans de nombreux projets qui sont menés, je dois dire depuis plusieurs années, surtout dans les grandes villes et villes de taille moyenne. Et donc il y a une volonté d'expérimenter. Si on compare les domaines de la mobilité avec d'autres domaines de la ville intelligente, tels que la gestion des déchets, l'éclairage, et d'autres domaines, la mobilité intelligente est vraiment un domaine où il y a une volonté de faire beaucoup de choses. Cela aussi parce qu’il y a beaucoup d’entreprises, aussi bien des start-ups que de grandes entreprises, qui innovent beaucoup sur ces aspects.  

Et que faut-il améliorer ? Nous avons demandé aux municipalités quels sont les obstacles au lancement de projets. Le premier obstacle relevé par environ 70% des municipalités est le manque de connaissances, le faible niveau de compétence. Nous le constatons surtout dans les petites et moyennes villes. Évidemment, ils n'ont pas toujours la possibilité d'avoir une personne compétente. Ils s’en remettent donc à des tiers mais même là, il n'est pas facile de choisir l'entreprise avec laquelle collaborer, si l'on ne dispose pas de l'expertise nécessaire.  

En revanche, la faiblesse des ressources économiques disponibles est en train de se diminuer progressivement. C’est une barrière toujours ressentie, par 55% des municipalités mais, au fil des années, elle s’est un peu réduite grâce notamment à des incitations gouvernementales et des partenariats avec le secteur privé, et nous l’espérons maintenant grâce au plan de relance.  

Et puis il y a un troisième problème que relève une municipalité sur trois : la bureaucratie. Elle est très forte en Italie et les complexités bureaucratiques représentent un certain problème : le fait qu’entre le moment où je définis le projet et le moment où je le mets en pratique, beaucoup de temps s'écoule. Il y a donc du travail à faire dans ce domaine et le nouveau gouvernement s'y emploie. 

  

  •  Dans ces projets, vous voyez aussi des acteurs étrangers participer ou c’est davantage l’apanage de sociétés locales ? 

 Nous voyons des acteurs étrangers participer, des entreprises étrangères qui ont des bureaux en Italie. Lorsqu’on pense aux constructeurs automobiles, par exemple, ce n’est pas possible de faire sans les entreprises étrangères. 

  •   Pour les projets avec les communes, une présence locale et une connaissance de la culture est indispensable ? 

 Oui certainement, c’est indéniable.