Les Observatoires Digital Innovation de la School of Management de l’Ecole Polytechnique de Milan (Politecnico di Milano) ont été créés en 1999 avec pour objectif de créer une culture dans les principaux domaines de l’innovation digitale. Leur mission est de produire et de diffuser des connaissances sur les opportunités et les impacts que les technologies numériques ont sur les entreprises, les administrations publiques et les citoyens. 

Au sein de cette organisation, M. Giulio Salvadori dirige l’Observatoire sur les véhicules connectés et la Smart Mobility, l’Observatoire sur l’IoT et participe aux travaux sur le domaine de la Smart City. 

 

Point sur la voiture connectée et la Smart Mobility en Italie : de l’utilisateur à la filière automobile, en passant par les villes :

 

 

Quel est votre regard sur l’évolution du secteur de la voiture connectée et de la Smart Mobility en Italie ? 

 

Pour ce qui concerne la partie véhicule connecté, le marché italien vaut aujourd’hui environ 1,2 milliard d’euros, en considérant aussi bien la SIM native à l’intérieur de l’auto qui la rend connectée que la partie black box », la boite noire qui enregistre les caractéristiques de conduite à des fins d’assurance pour fixer la prime sur la base du style de de conduite.  

Avec la partie « ADAS », les systèmes avancés pour l’assistance à la conduite qui permettent le freinage automatique en cas d'urgence, la détection d’angle mort et tout autre typologie de systèmes permettant une conduite plus sure, on ajoute environ 600 millions d’euros pour arriver à une valeur totale de marché de 1,8 milliard d’euros. 

Au sujet de la voiture connectée, une grosse part du marché est encore liée aux boites noires, et l’Italie est un des pays leader sur ce domaine depuis des années. Cette partie du marché est toutefois en train de diminuer progressivement parce que les voitures sont de plus en plus connectées de manière « native » et parce que le business des assurances subit -entre guillemets- des attaques de la part des fabricants de véhicules, qui apportent la connectivité à bord des véhicules. Ainsi les fabricants de véhicules eux-mêmes pourraient, à travers leurs branches dédiées à l’assurance, proposer directement la police d’assurance intégrée à bord du véhicule car ils ont déjà les données fournies par la SIM. De ce fait, le segment « black box » du marché diminue et il n’y a plus la nécessité d’installer « ex post » ce genre de dispositif.  

Cela fait que certains modèles de business changent un peu. Les compagnies d’assurances se retrouvent à faire des partenariats directement avec les constructeurs automobiles. Le partenariat entre Stellantis et Generali en est l’un des derniers exemples. On retrouve également des compagnies d’assurances qui vont chercher les données via d’autres moyens. Par exemple, l’entreprise israélienne Otonomo acquiert des données et les revend aux assurances. Il y a également la partie « Smartphone as a sensor » qui donne la possibilité d’utiliser les données des smartphones. 

Ce sont des tendances qui changent le business des constructeurs automobiles, qui peuvent offrir de plus en plus de services, que l’on voit à niveau international mais que l’on peut voir également en Italie. 

En termes de voitures connectées en Italie, y compris l’équipement en boîtes noires, nous arrivons autour de 17,5 millions de véhicules équipés, soit un peu plus de 40 % du parc automobile italien. 

  
Et comment répond la filière automobile en Italie vis-à-vis de ce besoin de connectivité accru ? 

 

Disons que pour la branche des équipementiers automobiles, de l’aftermarket, pour le moment, le grand défi, peut-être plus que la partie connectivité, c’est la partie de la transition vers l'électrique. Sur ce point, il est clair que si certains acteurs ne s'adaptent pas, ils pourraient subir des dommages importants. Donc sur ce point, ils sont en train de s’adapter, même si un peu lentement.  

Aussi, sur la partie connectivité, les premiers producteurs sont nés. Nous avons un exemple à l'intérieur de l'Observatoire l’entreprise « GALT. », une startup à l'intérieur de la société ITT Motion Technologies, qui fait des plaquettes de frein et qui travaille pour faire des plaquettes connectées et intégrées dans le véhicule.  

Cela permettra d’avoir demain une voiture qui n'est plus là, seulement connectée au niveau central, mais avec tous ses composants connectés et donc qui pourra offrir un service plus complet au consommateur en voyant exactement quand, dans ce cas, la plaquette est en train de s'user et quand il faut la changer. Il s'agit (GALT., ndlr) clairement d'un cas d'excellence. D'autres sociétés ont plus de difficultés, il y a donc encore du travail à faire. 

  


Au sujet des entreprises italiennes en général, comment celles-ci changent leur mode d’approcher la mobilité ? 

 

Sur le sujet de la gestion de la flotte, nous faisons 1 à 2 enquêtes chaque année, l'une visant les grandes entreprises, l'autre les PME. En Italie nous avons une grande part de PME, 95% au moins et le tissu industriel italien est composé de PME. Les grandes entreprises sont beaucoup plus avancées, elles ont déjà commencé à remplacer leurs véhicules à moteur thermique par de l’hybride et de l’électrique. Elles sont aussi avancées sur la partie connectivité, et donc par exemple la gestion à distance comme les services liés à la maintenance à distance et liés à la localisation et aux parcours. 

Les PME sont un peu plus en retrait. Mais nous observons ce phénomène dans tous les secteurs, et pas seulement dans le monde de l'automobile et de la gestion de flottes. Nous avons une grande part de PME qui doit s'adapter. Il y a toujours d'excellentes entreprises qui sont les premières à le faire, et d'autres qui prennent un peu plus de temps.  

Du côté de l’offre, je dois dire que les solutions sont déjà prêtes, les opérateurs proposent déjà non seulement des offres qui rendent le business traditionnel connecté, mais aussi des offres qui font changer le mode d’opérer. C'est-à-dire, par exemple, passer à la location à long terme, grâce à la connectivité, permettre un modèle de gestion différent et passer de la propriété à l'utilisation. C'est la demande qui doit maintenant en comprendre les avantages, notamment, je le répète, du côté des PME. 

  
Y-a-t-il des initiatives qui aident à ce changement ? 

 

Du côté du PNRR (plan de relance italien, ndlr), il y a peu de choses. Il y a des initiatives liées à la mobilité, aux routes, et, sur la partie mobilité électrique il y a beaucoup. Peut-être pas autant que dans d'autres pays, mais il existe des incitations. Sur la partie fleet management je n'ai pas vu grand-chose.  

  
A propos toujours de la sphère publique, comment les communes aident à rendre la mobilité plus « smart » ? 

 

Sur ce point, nous voyons des progrès positifs par rapport aux années précédentes, aussi avec le plan de relance mais pas seulement, les municipalités, en particulier les moyennes et grandes, sont en mouvement. 

Chaque année, nous faisons une enquête impliquant environ 120 municipalités italiennes et nous posons des questions liées aux projets qu’elles sont en train de mener. Les réponses sont très positives : 3 municipalités sur 4 ont réalisé des projets de mobilité intelligente ces dernières années. Si nous regardons la tendance, nous avons respectivement 40% en 2019, 50% en 2020, 50% en 2021, donc le nombre de projets réalisé augmente.  

Ces projets sont principalement liés par exemple à la gestion du stationnement, le fait par exemple de mettre un capteur sur les places de stationnement de parkings pour comprendre si elles sont libres ou occupées et donner cette information au citoyen. Cela comprend également des projets liés à la mobilité électrique, qui est la certainement le domaine principal, mais aussi des projets liés à la mobilité partagée, même si avec la Covid les initiatives de ce type sont un peu en déclin par rapport à 2019.  

Sur ces sujets, le plan de relance apporte des éléments, pas seulement sur la partie de la mobilité électrique pour laquelle des fonds de 700 millions sont alloués pour le développement des infrastructures de recharge, 1 milliard pour les énergies renouvelables, 3,5 milliards pour le renouvellement des flottes de bus et de trains, 600 millions pour le renforcement de la cyclo mobilité, l'hydrogène avec 900 millions de plus, etc. Il y aussi des initiatives sur la connectivité, sur le Mobility as a service, avec notamment cet appel d’offres pour l’expérimentation du MaaS dans 3 villes italiennes (Milan ; Naples ; Rome, ndlr). 

  
Au-delà de ces initiatives d’ampleur, c’est intéressant de voir que des communes de taille moins importante sont en train de bouger sur ces thématiques… 

 

Nous faisons une enquête plus large sur la Smart City, donc pas seulement la mobilité. Et même dans cette enquête, c'est la thématique de la mobilité qui revient le plus souvent. Surtout pour les communes qui ont clairement plus de problèmes de circulation, de stationnement et donc les villes moyennes et grandes. Il est clair qu'un petit village, avec moins de problèmes de mobilité, a probablement moins de problématiques et de besoins. Mais la tranche des moyennes-grandes communes est en train de bouger, soit à travers des fonds publics ou à travers des joint-ventures public-privé. 

Il y a aussi depuis quelques jours à Turin l’expérimentation de la conduite autonome, avec des navettes (produites par la société française Navya, ndlr). Il y a donc des initiatives, petites mais intéressantes, qui pourront demain être étendues à une plus grande échelle 

 

  

Lire la partie 2 de l’interview pour davantage d’éléments sur le positionnement de l’Italie sur la Smart Mobility, les enjeux pour les projets à venir et un focus sur le domaine de la Smart Road