90% de terres situées dans une zone désertique, un climat aride, des espaces immenses… Ce premier portrait de l’Arabie Saoudite dresse une liste de contraintes a priori indépassable pour l’avènement d’une agriculture abondante et diverse.

Et pourtant : dans les grandes fermes laitières détenues par les principaux groupes agroalimentaires du royaume (Almarai, Nadec/Alsafi-Danone pour ne citer que les plus connus) pâturent pas moins de 500 000 bovins, responsables de la production de près d’un milliard de litres de lait par an. Le secret d’une telle productivité ? Une expertise développée depuis la moitié du XXème siècle, du matériel de pointe en matière d’irrigation, de réfrigération, de santé… Et tout cela : en grande partie importé.

 

L’ère de la modernisation agricole

« En Arabie Saoudite, 80% des besoins alimentaires sont importés. Le pays est entré dans une phase d’intense modernisation agricole et ses besoins ne cessent de s’accentuer », confirme Mohamed Mourchid, Adjoint AgroTech pour Business France en charge du Moyen-Orient. De fait, après trente années de course à l’autosuffisance alimentaire portée par les pouvoirs publics, l’Arabie Saoudite affiche désormais des ambitions plus ciblées sur certaines denrées pour limiter la pression (désormais arrivée à terme) sur les nappes phréatiques. « La population ne cesse de croître[1] et l’Arabie Saoudite souhaiterait réduire sa dépendance par rapport au pétrole et donc diversifier son économie comme l’a exprimé le prince Ben Salmane à travers son programme Vision 2030. Le pays n’a pas d’autre choix que de diversifier ses cultures et moderniser l’appareil agricole » ajoute Mohamed Mourchid.

 Dans le cadre du Plan de Transformation Nationale (NTP) et du programme Vision 2030, le marché des équipements en Arabie Saoudite devrait connaître une croissance de plus de 3% sur la période 2016-2021, tandis que les initiatives visant à réduire la consommation d'eau devraient permettre au pays de s'appuyer davantage sur les importations de céréales et de fourrage en raison de l’arrêt de la production locale et de la demande intérieure croissante.

  

4 secteurs prioritaires : élevage bovin, avicole, aquaculture, pêche

Les segments cibles sont clairement identifiés : « Outre la production laitière qui concentre une grande part de l’attention des pouvoirs publics et notamment de la Saudi Food and Drug Authority (SFDA)[2], la production avicole est également encouragée. Dans ce domaine, le gouvernement souhaiterait multiplier par deux la production locale d’ici 2020 », précise Mohamed Mourchid. Et ce n’est pas tout… : en matière d’aquaculture, les objectifs affichés atteignent 1 million de tonnes d’ici 2030, tandis que l’on parle de 1,3 million de tonnes pour le secteur pêche (de nouveaux ports sont en construction).

Le premier symptôme de ce changement ? La constitution de réserves budgétaires importantes au sein du Fonds de Développement pour l’Agriculture – on estime la dotation totale à 50 milliards d’euros délivrés sous forme de prêts à taux zéro ou d’aides directes aux entreprises.

 Dans les régions urbaines où se déploient habituellement les grands pôles de production maraîchère (Al-Kharj, Al-Hufuf, Sud de Jeddah, Nord de Riyadh), de nouvelles méthodes d’exploitation voient ainsi le jour : goutte-à-goutte, cultures sous abri, agriculture verticale, fermes biologiques… Sans compter les chantiers technologiques qui ne devraient pas manquer de voir le jour avec les grands projets comme NEOM. L’Arabie Saoudite produit désormais plus de 3 millions de tonnes de fruits et légumes frais (hors dattes).

« En matière d’irrigation ou de chaîne du froid, les besoins sont clairement identifiés. Mais s’agissant de la traçabilité alimentaire ou encore la génomique, tout est encore à construire » signale Mohamed Mourchid.

 Par ailleurs, le gouvernement a lancé plusieurs programmes et initiatives, dont le programme national visant à réduire les pertes et gaspillages de nourriture, ainsi qu’à prévenir l'utilisation inadéquate des ressources naturelles ; il s'appuie sur l'expérience internationale et les meilleures pratiques à l'échelle mondiale en la matière.

De la même façon, un mécanisme de coordination des efforts a été mis en place entre plusieurs parties prenantes[3] pour optimiser l'utilisation des ressources disponibles et les investissements agricoles hors du Royaume, afin d’assurer une certaine forme de sécurité alimentaire globale du Royaume.

 

Un pays de plus en plus ouvert

Sur ces sujets, l’expertise française peut être mise en avant, même si l’Hexagone fait face à la concurrence des Etats-Unis, des autres pays européens, asiatiques et des BRIC. « Il faut comprendre que l’Arabie Saoudite a changé : elle s’est davantage ouverte… ce qui signifie qu’il faut passer plus de temps à échanger, comprendre les besoins locaux et ainsi créer un climat de confiance imparable pour implanter son produit ».

 Depuis quelques années, l’autorité administrative en charge des investissements (SAGIA) délivre des licences d’accès au marché sans obligation de trouver un partenaire local… Une aubaine pour les entreprises étrangères car selon M. Mohammed Al Juniny, responsable de la fabrication (head of manufacturing) à la SAGIA, l’Arabie Saoudite devrait investir jusqu’en 2021 dans les industries alimentaires à hauteur de 221 Mds SAR (environ 59 Mds USD).

 « Le royaume saoudien est au Moyen Orient le premier client de la France en matière de produits agricoles et agroalimentaires avec environ 750 M€ » précise Mohamed Mourchid. « De fait, nous trouvons de belles implantations de groupes français tels que Lactalis ou Doux, et de très nombreuses ETI / PME exportant leurs produits et savoir-faire. »

 « Même si elle développe son agriculture (celle-ci représente environ 5,2 % du PIB), l’Arabie Saoudite reste toutefois encore très dépendante des importations pour un grand nombre de produits : céréales, ingrédients et additifs alimentaires, produits transformés… Au total, le taux d’import atteint 80% pour les produits agroalimentaires ».

Le marché étant fortement tributaire des importations, les distributeurs de machines agricoles jouent un rôle très important en fournissant aux exploitants agricoles locaux tous les types de machines, équipements et autres intrants.

 Etablir un courant d’affaires avec l’Arabie Saoudite en matière agroalimentaire revient donc à se projeter dans un marché immense, aux besoins multiples… et à l’ouverture garantie dans les pays de la zone. « Aux Emirats Arabes Unis comme ailleurs dans le Golfe, les besoins sont assez similaires ». Comme ses voisins, le Royaume procède de plus en plus à l’achat de terres à l’international (Soudan, Egypte, Etats-Unis, Europe (Ukraine)) via la prise de participation des grands groupes nationaux...

 « L’agriculture en Arabie Saoudite est en pleine révolution, conclut Mohamed Mourchid. Et il suffit de voir le dynamisme autour du Salon Saudi Agriculture d’octobre prochain[4] pour s’en convaincre. Même si les modes de culture en Union Européenne ne sont pas similaires, les exportateurs français ont de réels moyens de répondre aux besoins locaux et au désir d’innovation très fort de cette nouvelle génération saoudienne ».

 

 

[1] 33 millions d’habitants en 2018, dont 70% ont moins de 30 ans.
[2] La Saudi Food and Drug Authority est en charge des contrôles sanitaires, notamment des produits alimentaires.
[3] Le ministère de l'Environnement, de l'Eau et de l'Agriculture (MEWA), la Société saoudienne d'investissement dans l'agriculture et l'élevage (SALIC), les silos à grains et la Flour Mills Organization, ainsi que d'autres parties prenantes.
[4] Salon Saudi Agriculture, 21-24 octobre 2019, Riyadh


Suivez toute l'actualité du service EquipAA sur Twitter : @BF_Agrotech