À la conquête du marché coréen des produits carnés 

  

Un marché sud-coréen friand de produits carnés, dominé par quelques géants

La Corée du Sud se joint à la tendance observée dans de nombreux pays industrialisés, où la consommation de viande connaît une croissance significative. Ce changement de comportement alimentaire découle de la croissance économique soutenue sur les deux dernières décennies, renforcée par les traités de libre-échange qui ont ouvert les portes à une offre plus diversifiée de viande, sous l'influence notamment des tendances américaines. Avec seulement 17 % des Sud-coréens affirmant réduire ou limiter leur consommation de viande, comparé à 35 % en France, la Corée du Sud manifeste une demande de viande en expansion. La consommation moyenne atteint 62,9 kg par habitant en 2020, contre seulement 11,3 kg en 1980 et on prévoit qu’elle atteindra 63,6 kg en 2025. 

La Corée du Sud connaît ainsi une véritable frénésie d'importations de produits carnés, enregistrant une croissance exceptionnelle de 36,5 % depuis 2021. Cependant, la concentration des sources d'importation dessine un tableau intéressant. Les importations américaines dominent le marché, représentant une part de marché colossale de 43,1 %. Avec l'Australie, ces deux géants captent à eux seuls près de 70 % des parts de marché pour les produits carnés de Corée du Sud en 2023. Malgré les accords de libre-échange initiés par l'UE depuis 2011, la France peine à s'imposer, détenant seulement 0,64 % des parts de marché et se classant en 14e position. L'Espagne prend la tête des pays européens avec seulement 6,73 % des parts de marché en 2023, un chiffre bien éloigné des parts à deux chiffres des géants américain et australien.  

  

La dynamique croissante du marché carné en Corée du Sud

Le marché coréen des produits carnés demeure dynamique, avec une consommation et des importations en constante augmentation. La consommation de charcuterie explose notamment en Corée du Sud, boostée par la multiplication des bars à vin et des restaurants haut de gamme. Le célèbre sandwich français "jambon-beurre" gagne aussi en popularité dans les boulangeries coréennes, ce qui témoigne de l'engouement croissant pour la charcuterie française. Au cours des cinq dernières années, le marché de la charcuterie en Corée a connu une croissance remarquable de plus de 21 %. De plus, la Corée du Sud, nation friande de viande, voit les produits à base de bœuf et de porc s'intégrer dans de nombreux plats traditionnels. Cela marque ainsi de possibles futures dynamiques concernant ces produits.  

Toutefois, les Coréens ayant pris conscience de consommer mieux, c’est majoritairement la viande de poulet qui vient profiter de cet engouement notamment du fait de ses avantages nutritionnels. Cela se traduit entre autres par l’augmentation de consommation en valeur de 25,4 % entre 2021 et 2022. Cette croissance remarquable de la consommation de viande souligne l'opportunité exceptionnelle pour les producteurs français de s'implanter davantage sur ce marché dynamique. 

  

Conquérir le marché : les défis à surmonter 

Dans le pays du matin calme, la France s'affirme en tant que 14ème fournisseur de produits carnés. Avec une exportation de charcuterie d'un peu plus de 344 000 euros en 2023 et à hauteur de 34 millions d’euros en 2023 pour la viande, le marché coréen reste un territoire à conquérir. La concurrence sur ce marché est intense puisque les pays leaders poursuivent leur développement sur le marché coréen en abaissant les prix et en proposant des promotions attractives. Cette stratégie agressive des concurrents exerce une pression supplémentaire sur les producteurs français, les obligeant à ajuster leur approche pour rester compétitifs. Toutefois, la renommée mondiale de la France pour la production de viande de haute qualité, reconnue en Corée pour son excellence gustative, offre aux producteurs français une position concurrentielle enviable. Les normes de production rigoureuses et la tradition culinaire française font de la viande française un choix de prédilection pour les consommateurs coréens. Un défi crucial pour la France réside dans la compétence croissante des producteurs locaux à reproduire des produits européens, comme les saucisses. Ces alternatives locales, de qualité élevée, rivalisent efficacement avec les importations étrangères, bénéficiant d'une adaptation aisée au marché et d'une stratégie marketing plus ciblée. Ainsi, les producteurs français doivent se démarquer par des innovations distinctives et valoriser leur savoir-faire déjà bien connu pour séduire les consommateurs coréens. Ainsi, bien que la demande croissante pour les produits français offre un terrain propice à la conquête. La compétition est féroce, mais l'opportunité est palpable, incitant la France à intensifier ses efforts pour s'implanter davantage sur le marché carné coréen. 

 

Un nouveau chapitre s'ouvre : des changements majeurs en 2024 

Après 23 ans d'interdiction imposée en 2000 en raison de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine, la Corée du Sud a finalement levé cette restriction le 20 décembre dernier. Cette décision historique fait suite à l'adoption d'un projet de loi à l'Assemblée nationale coréenne, marquant ainsi le rétablissement des importations de bœuf français. Bien que l'interdiction ait été levée, des étapes administratives restent à franchir. L'administration coréenne doit maintenant discuter de l'application de la loi avec la France, en particulier en ce qui concerne la procédure d'autorisation des usines de production. Les importations tant attendues pourraient démarrer dès le second semestre de cette année. Cette évolution marque une étape cruciale dans la reprise des relations commerciales entre la France et la Corée du Sud. La France n'est pas seule dans cette démarche. Après la France, huit autres pays de l'Union européenne, dont l'Allemagne, la Belgique et la Suède, sont également en train d'autoriser les importations de viande bovine en Corée du Sud. Le marché coréen s'ouvre également davantage aux exportations européennes de viandes et de produits à base de viande de volaille et de porc, à condition qu'ils proviennent d'établissements agréés par les autorités coréennes. Les droits de douane sur le bœuf européen seront éliminés en 2027, conformément à l'Accord de Libre-Échange (ALE) entre la Corée et l'Union européenne. Cela ouvre de nouvelles perspectives commerciales pour les producteurs européens, dont les entreprises françaises peuvent pleinement profiter. Enfin, l'année 2023 a été notamment été marquée par un débat émergent en Corée du Sud concernant l'étiquetage des produits, en particulier de la charcuterie contenant les nitrites de sodium. Cette préoccupation prend de l'ampleur, et les producteurs français de jambon devront rester vigilants en 2024 quant à l'évolution de cette tendance, qui pourrait impacter leur positionnement sur le marché coréen.  

  

Conclusion : 

Ainsi, la Corée du Sud devient le terrain de jeu idéal pour l'industrie carnée française. Malgré son actuelle position en 14ème place, la renommée mondiale de la France et la levée de l'interdiction sur le bœuf ouvrent des horizons prometteurs. La croissance explosive de la consommation de charcuterie en Corée crée une opportunité en or pour les exportations françaises. L'ouverture progressive du marché au bœuf français après 23 ans d'interdiction combinée à l'élimination des droits de douane en 2027, positionne la France stratégiquement pour dominer ce marché dynamique. Une ère nouvelle commence, propulsant les producteurs français vers des succès commerciaux inédits. 

 

Co-écrit par Céline REY et Baptist GOMES